Association pour la Promotion des Filles Déscolarisées (APROFID Mali) : Le souffle d’une seconde chance aux filles déscolarisées.
Créée en décembre 1997, l’Association pour la Promotion des Filles Déscolarisées (APROFID Mali), entend mettre du baume au cœur des filles déscolarisées et enfants non scolarisés de notre pays tout en leur donnant un nouveau souffle à travers leur promotion, formation, insertion socio-économique professionnelle et le renforcement de la citoyenneté sous toutes ses formes. Docteur Kadiatou Baby Maïga est la présidente fondatrice de cette association. Elle nous a entretenus sur ses missions, activités réalisées, les difficultés et la situation et rôle des femmes dans la réconciliation nationale.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer une telle association?
La situation des personnes marginalisées m’a toujours intéressée. Depuis 1997, date de la création de l’Association pour la Promotion des Filles Déscolarisées (APROFID Mali), nous essayons de faire comprendre que c’est indéniablement bénéfique de scolariser les enfants, surtout les filles. Malgré les efforts, tous les enfants n’ont pas accès à l’école. Nous constatons regrettablement qu’il y a des enfants qui se retrouvent en situation de déperdition scolaire dont il faut impérieusement s’occuper. APROFID Mali a été créée pour donner une seconde chance à cette catégorie d’enfants, surtout les filles.
Quelles sont les missions de l’Association ?
Notre vision est de donner une éducation de qualité inclusive à tous les enfants du Mali. Nous pensons que l’objectif final d’une éducation de qualité est l’acquisition de compétences effectives permettant aux apprenants de développer leurs potentialités et d’être des acteurs de développement.
Peut-on avoir une idée sur les activités menées ?
Nous avons mené beaucoup d’activités dont entre autres : la création d’un réseau de plus de 40 associations féminines, la formation des femmes, filles en transformation alimentaire à Goundam où nous avons une antenne. Nous avons offert de cours d’appui aux enfants en difficultés scolaires à Bamako et à Goundam. Nous avons procédé à des formations en santé de la reproduction et en genre des femmes. Nous avons organisé des activités d’assainissement au niveau du CSCOM et de la Mairie de Yirimadio. Nous avons également rénové le Centre d’écoute communautaire de Yirimadio et la formation en santé de la reproduction des jeunes de ce centre. Nous avons procédé à des séances de sensibilisation des communautés partenaires sur la problématique éducation des filles à travers des émissions radios.
Quels sont vos partenaires? Bénéficiez-vous de l’appui de l’Etat?
Nous avons bénéficié jusque-là surtout d’appuis techniques et matériels du ministère de l’éducation et de celui de l’assainissement qui nous a offert du matériel d’assainissement. Les autres financements viennent des offres de services à travers les consultations en études et formations que mènent nos membres. Nous avons également reçu des dons de sympathisants et des cotisations des groupements de femmes et des membres. Nous sommes à la recherche de partenariat solide pour vendre notre expertise dans le domaine de l’autonomisation des filles /femmes et de l’encadrement des jeunes déscolarisés et non scolarisés.
Quelle appréciation faites-vous du taux des filles scolarisées?
Le taux de scolarisation des filles a évolué en dents de scie ces dernières années, à cause de la situation politico-sécuritaire que nous avons connue. Nous notons cependant qu’il y a eu une évolution générale. Par exemple, le taux net de scolarisation des filles au premier cycle a évolué de 27,5% en 2001 à 53,6% en 2014, presque le double. Même si par ailleurs, nous sommes conscients que ces taux, déjà en dessous des attentes, cachent aussi de grandes disparités aux niveaux des régions et des zones (rurales et urbaines) et que plus nous avançons dans le système, plus ils régressent. En effet, en 2001 au second cycle les filles avaient un taux net de scolarisation de 7 ,9% et cette situation a évolué à 28% en 2014. Tout compte fait, la problématique a connu des avancées notables car scolariser les filles est une évidence de nos jours, même si nous devons reconnaitre que des obstacles socio-économiques et même liés au système éducatif continuent à influencer négativement l’accès et surtout le maintien et la performance des filles dans le système. Des efforts doivent continuer à être déployés pour éliminer les disparités du genre dans l’éducation et offrir des apprentissages de qualité dans un environnement sécurisé aux enfants en général et aux filles en particulier.
Quelles sont les contraintes liées à l’exécution de vos activités ?
Nos contraintes sont surtout financières, mais je sais que beaucoup d’organisations sont confrontées à cela et qu’il faut développer des stratégies pour continuer, malgré les difficultés.
Nous avons pu mener beaucoup d’activités avec très peu de ressources financières, grâce à la disponibilité des ressources humaines compétentes au sein de l’Organisation. Je voudrais profiter pour les remercier, féliciter et les encourager à continuer à croire en notre Organisation, APROFID Mali. A bien réfléchir, nous ne sommes pas mécontentes de nos réalisations, mais savons que nous pouvons beaucoup mieux faire, avec des ressources adéquates, pour atteindre nos objectifs, notre ambition de contribuer à offrir une éducation de qualité inclusive aux jeunes déscolarisés et non scolarisés du Mali.
Vous vous êtes beaucoup battu pour la cause féminine. Quelle lecture faites-vous de la situation des femmes au Mali ?
Je crois que la femme malienne évolue avec son temps. Elle s’intéresse davantage à la gouvernance publique. Les institutions aussi font des avancées par rapport à la situation féminine : la politique du genre, la loi sur le quota, la mise à disposition des fonds d’auto promotion des femmes etc.
Je ne dis pas que tout est rose, mais ce sont là des actes positifs qu’il faut saluer et encourager. Cependant, pour soutenir tous ces efforts dans la durée, il est essentiel que les filles, futures femmes, accèdent à l’école, s’y maintiennent le plus longtemps possible pour avoir les qualifications requises afin de pouvoir occuper des positions de décisions importantes. Pour celles qui n’ont pas eu la chance d’accéder à l’éducation, il faudrait continuer à développer des programmes ambitieux d’alphabétisation fonctionnelle et de développement de compétences pour leur autonomisation. L’éducation au sens large est un outil important de développement des potentialités et de participation effective, surtout des femmes, au processus de développement du pays.
Quel pourrait être, selon vous, l’apport des femmes pour le retour définitif de la paix dans notre pays ?
La femme est mère, sœur, épouse ou fille. Elle est centrale dans notre société et consolide les liens sociaux, traditionnellement. Dans ce rôle que la société lui reconnait, elle peut jouer un rôle extrêmement important pour le retour de la paix, en apaisant les esprits et en conseillant les autres membres de sa famille. En plus de ces capacités innées, pour mieux les renforcer, il serait bon de les outiller dans des stratégies ayant fait leurs preuves sous d’autres cieux.
Avez-vous un message à l’endroit des chefs de famille, des autorités et ONG ?
Je voudrais juste dire que nous n’avons pas deux (2) patries, le Mali est ce que chacun d’entre nous a de plus cher, nous devons le préserver pour les générations futures. Chaque personne est importante pour cette réconciliation (la cohésion nationale dont tout le monde en parle) et peut jouer un rôle. Encore une fois, l’offre d’une éducation de qualité inclusive aux populations reste une solution sûre pour ramener les esprits vers la paix, la cohésion nationale et le développement du pays. Comme le dit notre hymne national « …les cœurs vibrent de confiance…. » Nous croyons et voulons un Mali de paix et de prospérité, c’est ensemble que nous y arriverons.
Entretien réalisé par :
Almoudou M. Bangou
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