Dialogue national inclusif :Quand le calcul politicien tue l’enjeu !
Au regard de la crispation du champ politique et la profondeur de la crise multiforme que le pays traverse, il n’y avait rien de mieux pour jeter les bases d’un Mali nouveau débarrassé des frustrations et autres dissensions qui ont fortement fragilisé le pays qu’un dialogue inclusif à l’échelle nationale.
Les Maliens avaient beaucoup à se dire sur l’état de la nation. Cela fait 9 jours durant, mais avec un arrière-goût d’inachevé à cause du jeu politique qui en a tué l’enjeu. Au regard des quatre résolutions qui ont sanctionné les travaux du dialogue inclusif, on peut dire que les préoccupations urgentes, au risque de contrarier une partie de l’opinion n’ont pas été pris en compte. A-t-on vraiment besoin d’un débat national pour faire des élections législatives ou pour légitimer un projet de révision constitutionnelle ou encore pour revoir certaines dispositions d’un accord qui prévoit cette éventualité en son article 65 à la demande d’une ou de toutes les parties signataires ? Comment peut-on envisager une révision constitutionnelle dans un pays en guerre ?
Toutes les démocraties matures disposent d’un calendrier électoral et d’une disposition légale de révision constitutionnelle qu’elle respecte scrupuleusement pour garder intacte sa crédibilité et se faisant, son image. La question est de savoir si le président et son équipe sont vraiment convaincus que « le pays est en guerre ». Par ailleurs, la présence de l’accord pour la paix parmi les termes de références du DNI et son renvoi à l’article 65, révèle l’amateurisme de l’Etat ou sa volonté de semer la confusion autour d’un accord qui est devenu au fil du temps un casse-tête chinois.
La quatrième résolution issue du DNI relative à la sécurité est celle qui suscite le plus d’interrogations. Quelles ressources restent-ils à mobiliser pour la stabilité et le retour sur l’étendue du territoire ? Le président IBK n’a-t-il pas poussé le sacrifice jusqu’à tolérer l’inacceptable (célébration de l’indépendance de l’Azawad, entretient des membres influents de la CMA et de la plateforme sans compensation significative et le mépris des symboles de l’Etat entre autres) pour favoriser le retour de la paix ? Son interview publiée par un média étranger en 2019 est édifiant à ce sujet. Au risque de heurter la successibilité d’une partie de l’opinion, parler d’une mise à contribution de toutes les ressources est approche complaisante visant à occulter le vrai débat sur la situation sécuritaire accentuée par l’absence de l’Etat dans plusieurs régions et localités du pays. Parmi les obstacles au redéploiement de l’administration sur l’étendue du territoire, l’attitude ambiguë de la CMA demeure une préoccupation majeure dont la clarification facilitera bien de chose.
Malgré la campagne médiatique visant à minimiser l’absence de l’opposition et un nombre important d’organisations de la société civile tout en vantant la réussite du DNI, il est déplorable de constater qu’il n’aura été qu’une conférence de plus à cause des calculs politiciens qui ont dévié le DNI de son objectif à savoir : rassembler les maliens autour du Mali. Tout en reconnaissant les efforts fournis par les organisateurs du DNI qui ont conduit avec « brio et maturité » les travaux, force est de constater que l’incertitude plane sur la mise en œuvre des résolutions à cause de la division politico-sociale qui a précédé les travaux et qui perdure encore. Malgré l’importance des sujets abordés, il aurait été plus judicieux de consacrer le DNI aux conditions d’organisation des élections, à l’analyse sans complaisance ni excès de l’apport des forces étrangères, la gestion du denier public et dans la moindre mesure le statut de Kidal qui est en passe de devenir un sujet intouchable. Plus que la tenue des élections législatives et la révision constitutionnelle, ces sujets suscités sont au cœur de la colère politico-sociale demandent une réponse urgente et sans équivoque. L’évolution des crises postélectorales (crise institutionnelle en 2018 suite au rejet des résultats des élections présidentielles par l’opposition), le soupçon qui pèse sur la CMA sur une éventuelle complicité avec les terroristes et la colère populaire contre les indélicatesses des responsables justifiaient amplement ce choix et les plaçaient en priorité. Mais le président et ses partisans en ont décidé autrement, malgré les multiples critiques, propositions et conseils des personnes ressources créditées du statut d’impartialité. Aujourd’hui, point besoin de refaire l’histoire. Le président de la république Ibrahim Boubacar Keita doit maintenant s’investir pour panser les frustrations pour qu’ensemble le peuple du Mali participe à la construction du Mali nouveau. Vive le Mali, un et indivisible.
Bouba Sankaré
Source:Le FORUM
Comments (0)