Crise sécuritaire du Mali : Les obstacles se multiplient
En dépit des efforts fournis jusque-là, le rallongement permanent de la liste de victimes civile et militaire indique que le pays est encore loin du bout du tunnel. Les attaques meurtrières de Dioura et d’Ogossagou traduisent si besoin était l’inefficacité de toutes les mesures sécuritaires et le peu d’influence des forces alliées sur la situation sécuritaire au Mali.
La récurrence des attaques et la timidité de la riposte résultent, selon plusieurs analystes, des mauvaises réponses proposées par les plus hautes autorités. Le maintien des responsables inefficaces aux postes de commandement et dans les instances de décisions, l’incapacité chronique de l’Etat à déployer ses représentants sur l’ensemble de territoire sont entre autres, des raisons profondes de l’échec de sa politique de sécurisation des régions et l’instauration d’une paix durable dans le pays. L’effritement de l’autorité de l’Etat et les problèmes liés à la gouvernance qui ne font plus l’objet d’aucun débat ni d’analyse sont pourtant la source profonde de l’insécurité que traverse le pays. L’enlisement actuel porte à croire que le Mali ne dispose pas du bon parchemin dans la lutte contre l’insécurité et les défis récurrents. Au fil du temps, la frontière entre les ennemis de la paix et de la stabilité s’est tellement réduit qu’on en est presqu’à se demander contre qui nous nous battons. Combattons-nous les groupes d’autodéfenses, les terroristes, les narcotrafiquants, nos propres démons (règlement de compte personnel) ou les acteurs hybrides du processus de paix ? Quelque soit l’ennemi qu’il faut combattre, les autorités du pays doivent revoir l’ordre des priorités. Peut-on construire dans un pays divisé sur toutes les questions et dont plus que la moitié échappe au contrôle de l’Etat ? Au regard des efforts inlassables que fournissent les plus hautes autorités, telle semble être leur volonté et le sens de leur démarche et cela depuis la première victoire du président IBK en 2013. A l’entame du second mandat, le scepticisme grandit chez de nombreux Maliens par rapport à cette approche de la crise multiforme. Et il y’a de quoi ! La recrudescence des attaques de plus en plus meurtrières, la lenteur de la mise en œuvre des accords pour la paix et l’apparition des conflits intercommunautaires ont fini par entamer la confiance des plus optimistes d’entre les Maliens. Comme de nombreux observateurs, une bonne partie de l’opinion nationale est persuadée que les gouvernants multiplient les mauvais choix en poursuivant leur quête effrénée de paix et de stabilité en mettant de côté l’essentiel à savoir : assurer la présence de l’Etat sur l’ensemble du territoire avec l’aide des partenaires et des parties signataires des accords pour la paix, toute chose qui devait aller de soi au regard des efforts fournis depuis la signature de l’accord de paix à Bamako en 2015. Devant l’enlisement du pays dans la crise sécuritaire, le silence des parties signataires de l’accord pour la paix et l’intensification des pressions de la communauté internationale pour la révision constitutionnelle et le découpage administratif ne peuvent que susciter des interrogations et font planer le doute sur la sincérité des uns et des autres. Avec ou sans la complicité des autorités, le Mali est aujourd’hui au cœur d’un engrenage qui peine à dévoiler ses intentions. Sommé de faire la lumière sur les attaques meurtrières et les présumées bavures des FAMA, l’Etat malien est au bord de la rupture à cause de la multiplication des fronts. Tension politique, pressions sociales, attaques terroristes, prolifération des groupes d’autodéfenses …le tout dans un contexte de crise économique qui s’annonce rude pour la population. La révision constitutionnelle et le nouveau découpage administratif qui semblent être la préoccupation de la communauté internationale et des autorités du pays suffiront-ils à rendre le sourire aux Maliens ? Si ces deux opérations s’avèrent primordiales pour la mise en œuvre de l’accord pour la paix, aux yeux des Maliens, le retour de l’Etat dans les zones désertées est un préalable incontournable pour la sécurisation de toutes les régions et la dissolution de tous les groupes d’autodéfenses présumés coupables de toutes les attaques. Qu’ils soient Dogon, Peulh, Bambara, ou Bozo, ces groupes d’autodéfenses ne doivent et ne peuvent être une alternative à la sécurisation du pays en lieu et place des FAMA.
De nos jours, la marge de manœuvre pour une redéfinition des priorités est certes réduite, cependant avec une diplomatie dynamique et une volonté politique clairement définie, le ralliement de la communauté internationale à cette nouvelle donne est du domaine du possible. Aider l’Etat à se déployer sur l’ensemble du territoire permettra à coup sûr de faire un grand pas vers l’apaisement indispensable à la réalisation de tous les projets politiques qui rentrent dans le cadre de la mise en œuvre des accords de paix.
Bouba Sankaré
Source:Le FORUM
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