Cameroun: Pourquoi Chantal Biya est une arme de séduction légendaire ?
Les requêtes et les passes d’armes entre les avocats de l’opposition et les membres du Conseil constitutionnel ont eu beau avoir passionné les Camerounais en étant retransmis à la télévision nationale, elles ont toutes été repoussées par cette institution qui siégeait pour la première fois depuis sa création en 1996. Captivés par ces débats publics aux envolées lyriques, vus et écoutés en direct sur les télévisions de rue, les habitants se doutaient bien que l’annulation du scrutin et les recours pour fraudes exigés par les candidats de l’opposition n’avaient guère de chances d’aboutir. Et ce 22 octobre, le verdict du Conseil est tombé. Sans appel : Paul Biya a gagné les élections avec 71,28 % des suffrages. Il est donc de nouveau président.
Une nouvelle prévisible car, pour les électeurs, il y a l’équipe de football, Les Lions indomptables de Douala. Et, à Yaoundé, la capitale, il y a deux autres fauves qui viennent de terrasser une nouvelle fois leurs adversaires de l’opposition. Il y a bien Paul Biya, 85 ans, que ses partisans surnomment « l’homme lion », apparemment en forme, élu président pour la 7e fois, soit trente-cinq ans au sommet de l’État, quarante-deux si l’on compte la période où il était Premier ministre, période à laquelle il faut prévoir d’ajouter sept années supplémentaires avec le nouveau mandat qui commence.
Paul Biya, donc, mais aussi son épouse, Chantal, à la crinière flamboyante, qui accompagne partout son mari habillée avec des tenues africaines aux couleurs vives. « Chantal Biya a fait de la couleur rousse la nouvelle mode, mais la coiffure bouffante de Mme Biya est source de contradictions dans les écoles de beauté », affirme la journaliste Helana Anfrews-Dye. Ses cheveux arrivent à être longs et courts, rebelles mais élégants, désordonnés mais sous contrôle. Qu’elle soit en visite avec le pape ou de sortie avec Paris Hilton, ce style démodé reste inamovible », écrit la journaliste Helena Andrews-Dyer, qui affiche des images de Chantal Biya habillée de couleur fuchsia et descendant derrière son époux les escaliers de leur avion sur la base militaire d’Andrews, ou bien vêtue en 2010 d’un tailleur violet avec Michelle Obama, jaune avec Melania Trump en 2018, lors de l’assemblée générale des Nations unies à New York, ou encore en robe orange en 2009 aux côtés du top model Naomi Campbell et de Sarah Brown, l’épouse du Premier ministre britannique de l’époque, lors du Sommet pour la santé des premières dames africaines.
En fait, Chantou, comme on l’appelle au Cameroun, est devenue une « arme de séduction massive » qui permet au Cameroun et à son régime d’être remarqués et, d’une certaine manière, peut-être mieux traités à l’étranger. Brigitte Macron et Melania Trump ne retiennent-elles pas l’attention des médias comme Carla Bruni en son temps qui éclipsait à l’étranger son mari Nicolas Sarkozy selon les médias britanniques ? Dans son genre, Chantal Biya occupe le devant de la scène auprès d’un président 37 ans plus âgé qu’elle, discret, secret même, ce qui aurait fait dire un jour à Jacques Chirac : « Je me demande comment il fait pour gouverner son pays. »
Il n’apparaît en effet guère en public et les conseils des ministres sont très rares. Le dernier s’est déroulé le 15 mars 2018. Il n’avait pas eu lieu depuis octobre 2015. Avant, il faut remonter à décembre 2014 et novembre 2012. Mais l’homme, à l’apparente placidité, peut être très ferme. « Je voudrais vous réitérer, très fermement, mes instructions sur la nécessité d’une utilisation rationnelle des ressources publiques, la réduction du train de vie de l’État et la lutte contre la corruption », a-t-il dit à l’occasion du dernier conseil, où plusieurs ministres ont pris la porte. Depuis, il a annoncé, en juillet, qu’il se représentait par un simple tweet et n’a pas fait campagne, mis à part un bref discours fin septembre à Maroua devant les caciques de son puissant parti, le RDPC.
Ses opposants de la diaspora en Europe, eux, le traquent devant l’hôtel Intercontinental de Genève, où il réside souvent, et mettent sur Internet le nombre de jours où il est absent du pays. Sans grand succès. Grâce à un dispositif centralisé au palais et emmené à l’étranger avec les hommes du cabinet lors des fréquents voyages du couple présidentiel, l’homme fort du Cameroun dirige le pays, à sa manière.
La Redaction
Source: Relance
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