Cdt, Ousmane Sidibé, Directeur Régional des Eaux et Forêts du district de Bamako
« La forêt classée de Bamako est convoitée par les prédateurs fonciers »
Dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder dans le cadre de la campagne nationale de reboisement de l’édition 2018 dont le coup d’envoi du lancement a été donné par le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement Durable, Keita Aida M’bo la semaine dernière à Fana, le directeur régional des eaux et forêts du district de Bamako le commandant des eaux et forêts, Ousmane Sidibé souligne son apport participatif à la réussite de ladite campagne. Il a expliqué également la spécificité de la ville de Bamako dans la conservation de la nature. Le directeur régional des eaux et forêts du district de Bamako suggère que les communications doivent être entreprises pour un changement de comportement des populations dans l’installation et de la conservation de la nature.
Vous en tant que directeur régional des eaux et forêts du district de Bamako, quel peut être votre apport à la campagne nationale de reboisement ?
D’abord je salue infiniment votre organe qui me permet de communiquer avec le public sur les enjeux liés à mon métier forestier en particulier et l’environnement en général. De passage j’adresse mes sincères remerciements au premier responsable de votre journal qui n’a ménagé aucun effort pour s’intéresser aux activités de mon département de tutelle particulièrement et mon service qui est la direction régionale des eaux et forêts du district de Bamako.
Le district a toute une spécificité dans la campagne nationale de reboisement. D’abord pour installer une ville on déboise et cela ne peut pas passer inaperçu sans effet secondaire sur le processus de protection de la nature. Il s’agit de la ville de Bamako et non la région en tant que telle. Au temps colon, la ville de Bamako était pratiquement la ville la plus boisée par la politique du colonisateur qui exigeait et recommandait la politique de protection de la nature.
La ville de la capitale malienne était boisée des plantes de caïlcédrat. Mais malheureusement à la date d’aujourd’hui ces arbres ont disparu soit par des intempéries ou par les comportements néfastes anthropiques. Ou encore ce sont des vieux plants qui sont tombés d’eux-mêmes. Et on n’est pas en train de les remplacer. Face à ce danger notre apport c’est de faire en sorte que Bamako puisse retrouver son statut de ville verte. Cela passe par la récupération de nos espaces verts, des artères et la fixation des berges du fleuve Niger et les reboiser convenablement comme on entend.
La campagne nationale de reboisement de cette année s’est inscrite dans un cadre communicatif qui est plein de sens et de stratégie en perspectives du programme de l’édition 2018.
Le lancement de l’édition 2018, dont le coup d’envoi a été donné à Fana avait pour but d’attirer l’attention de la communauté sur les enjeux de la conservation de la nature. Cela explique que le monde a l’intérêt dans la plantation et l’entretien des arbres plantés. Nous devons planter pour notre survie, pour notre santé avec une bonne alimentation.
Bamako a-t-il de spécificité en termes de conservation de la nature ?
La spécificité, c’est que Bamako a une seule forêt contrairement aux autres villes du Mali. Il s’agit bien de la forêt classée de Koulouba qui a été installée en 1935 par les colons.
Les colons avaient classé cette forêt pour prévoir les enjeux liés aux changements climatiques et surtout pour faire éviter la ville de Bamako aux éboulements. Et si cette forêt n’était pas présente cela allait conduire aux éboulements et aux inondations.
Cette bande de plantations entre le palais de Koulouba et la colline de point « G » permet aujourd’hui de protéger la ville de Bamako contre les intempéries liées à la dégradation de la nature. Cette forêt est la seule spécificité qui est également convoitée par les sociétés immobilières en termes de morcellement pour les préparer à usage d’habitation. Si cette forêt est l’objet de convoitise par les prédateurs fonciers, c’est inimaginable. Elle a été légiférée par les législateurs et personne n’a le droit de l’utiliser à d’autres fins que les objectifs de sa classification. Pour déclasser cette forêt, il s’agit d’un long processus judiciaire qui passe par l’Assemblée et les juridictions ou institutions compétentes en la matière.
Je déplore que la forêt classée de Bamako soit convoitée par les prédateurs fonciers. Pour assurer le cap de conservation de la nature, les spécialistes avaient sollicité l’aménagement des espaces verts à Bamako malheureusement ceux-ci ont constitué l’objet d’ un milieu d’opération des services à caractère immobilier. Et nous sommes en train de se battre avec le concours des notables et des organisations des différents quartiers de la ville de Bamako pour récupérer et protéger ces espaces verts afin de soumettre à un aménagement forestier pour aller plus vite vers les objectifs.
La construction des maisons à usage d’habitation en lieu et place des espaces verts n’arrange personne en termes de conservation de la nature.
Les espaces verts ont leur importance dans la ville de Bamako.
Les espaces verts peuvent servir des grands ombrages pour contribuer à la production des substances nécessaires que nous avons besoin pour survivre dans les meilleures conditions.
Par conséquent nous devons boiser nos services pour remplir le vide entrainé par le déboisement depuis les temps passés.
Quelles communications utiles doivent-ils entreprendre les services techniques d’aller au changement de comportement des populations ?
La communication que nous allons entreprendre c’est bien d’informer et sensibiliser les populations sur les conséquences liées à la déforestation. On doit alerter incessamment à l’occupation anarchique des espaces verts par des organisations spécialisées dans ce sens.
Par ce qu’ils sont à l’affût quand les gens oublient ils vont procéder au morcellement de ces espaces verts. La vigilance des populations maintient à présent le cap de protection de ces espaces verts, cela s’illustre par l’équipement d’un cas à Daoudabougou où les femmes de la localité se sont organisées pour solliciter notre concours afin de reboiser les espaces de ladite localité, c’était il y a une semaine pour qu’on aille reboiser ces endroits vides.
Par la même occasion, si on arrive à récupérer tous nos espaces verts, j’avoue qu’on pourra gagner le pari de la lutte contre les effets du changement climatique à Bamako et ses environs.
En ce qui concerne la campagne nationale de reboisement, les autorités comme nous devons initier les habitants à planter les arbres et les entretenir. Planter un arbre puis tourner le dos pour ne respecter les principes d’un reboisement constitue un gâchis dans le processus.
Le processus de reboisement commence depuis le mois de Janvier pour s’attendre à un résultat escompté de la campagne de reboisement. Le reboisement doit suivre ses étapes recommandées pour sécuriser le dispositif du processus. En effet, les acteurs sociaux et techniques doivent conjuguer les efforts pour recenser les espaces ciblés à reboiser avant la campagne. Les mêmes personnes doivent réfléchir et arrêter le mécanisme de sécurité et d’entretien des espèces boisés.
Je suggère de respecter les principes du reboisement pour s’attendre à des résultats concrets. Les élus communaux à travers leurs services chargés de l’environnement doivent élaborer des programmes adéquats pour faire de la conservation de la nature une réalité de notre pays. Et à ce niveau, je déplore aucun candidat à l’élection présidentielle de 2018 n’a axé son programme sur les enjeux et les avantages liés au développement de l’environnement.
Quelle menace peut-on courir si les recommandations ne sont appliquées ?
Les menaces constituent l’absence des pluies qui vont engendrer du coup la sécheresse. Sans la pluie la production agricole n’est nullement garantie. La mauvaise foi dans l’application des recommandations en matière de construction et de conservation de la nature verra des espèces dégradées et la nature endommagée qui est le cordon ombilical de développement serait touché.
Notre mission est de garantir les ressources en eaux et forêts. L’absence des arbres entraine la concentration des gaz à effet de serre qui constituent les raisons de la prolifération des maladies respiratoires. Les politiques doivent s’intéresser au développement de l’environnement en particulier et les acteurs sociaux de la conservation de la nature.
Je demande aux populations de prêter les oreilles attentives aux recommandations pour que la sensibilisation de la campagne de reboisement atteigne sa vitesse de croisière.
Propos recueillis par :
La rédaction
Source : Le Forum
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