Algérie :La présidentielle de la discorde
Les électeurs algériens ont désigné le jeudi dernier le successeur du président Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission en avril dernier. Le pays est plus divisé que jamais entre ceux qui estiment que le scrutin est la seule porte de sortie, et ceux qui le contestent et le considèrent illégitime.
De mémoire de journaliste qui a couvert cinq scrutins présidentiels depuis celui du 16 novembre 1995, remporté par le général Liamine Zéroual, aucun ne ressemble au premier tour qui s’est tenu ce jeudi 12 décembre dernier. Tout a concouru et tout concours à faire de cette élection présidentielle un événement exceptionnel et déterminant pour l’avenir de ce pays de 41 millions d’habitants. Tout d’abord, le contexte dans lequel le scrutin s’est déroulé. Premier sans Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir sans discontinuer de 1999 au 2 avril 2019, il intervient dix mois après le début de la révolution de rue qui a chassé du pouvoir l’ancien chef de l’État ainsi qu’une bonne partie des ex-caciques que l’opinion publique désigne sous le vocable d’issaba (bande mafieuse). Déclenché pour contester la candidature du raïs à un cinquième mandat, la contestation ne faiblit guère. Bien au contraire. À l’exigence du départ des symboles de l’ancien régime et de la fin du système se greffe depuis plusieurs semaines le rejet massif de la présidentielle.
Un scrutin contesté pour élire un successeur à Bouteflika
Non seulement des centaines de milliers de personnes continuent de manifester chaque vendredi pour marteler ces exigences, mais les revendications ne se limitent pas à un simple boycott, comme ce fut le cas lors des précédents rendez-vous électoraux. Dans plusieurs villes du pays, des protestataires occupent les espaces publics, tiennent des sit-in et promettent d’empêcher pacifiquement les électeurs de mettre leur bulletin dans l’urne.
Les ressortissants algériens votant une semaine en amont, ont donné un aperçu de ce rejet. En France, en Belgique ou au Canada, des rassemblements se sont formés devant les permanences électorales, les votants faisant l’objet de stigmatisations, de moqueries ou d’agressions verbales.
Une élection à marche forcée
En Kabylie, région traditionnellement rebelle et réfractaire aux élections, les entrées de nombreuses sous-préfectures et mairies ont été emmurées. Des urnes ont été détruites, alors que des affrontements mineurs ont opposés gendarmes et manifestants à Bouira, à 110 km au sud-est d’Alger.
Abdelmadjid Tebboune élu dès le premier tour avec 58,15 %
Le candidat Abdelmadjid Tebboune est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle du jeudi 12 décembre avec 58,15 % des voix, a annoncé l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie).
L’instance chargée d’organiser l’élection a dévoilé ce vendredi les résultats du premier tour : Abdelmadjid Tebboune devance largement ses concurrents en remportant quelque 58,15 % des suffrages exprimés. Suivent, dans l’ordre, Abdelkader Bengrina (17,38 %), Ali Benfis (10,55 %), Azzedine Mihoubi (7,26 %) et enfin Abdelaziz Belaid, avec 6,66 %. Les résultats définitifs seront proclamés par le Conseil constitutionnel entre les 16 et 25 décembre prochain.
Difficile campagne du candidat
Même si Mohamed Charfi, le président de l’Anie, a remercié l’armée et salué « l’ambiance de fête » dans laquelle s’est déroulé le scrutin, ce dernier a été marqué par une très faible participation (39,83%). Plus de six électeurs sur dix ne sont ainsi pas déplacés pour mettre leur bulletin dans l’urne. C’est le plus faible taux jamais enregistré dans une élection en Algérie. Au sein de la diaspora, l’abstention est particulièrement marquée : elle s’établit à 91,3 %, selon les chiffres communiqués le soir du scrutin par l’Anie.
Appel à manifester ce vendredi
Autre fait marquant : la participation quasi-nulle en Kabylie (0,21% à Béjaïa, par exemple). Dans la région, des bureaux de vote ont été saccagés et fermés par des manifestants qui contestaient la tenue de la présidentielle. La journée électorale de jeudi a également été marquée par de nombreuses et massives manifestations à travers le pays. À Alger, des milliers de manifestants ont investi les rues derrière le mot d’ordre « Non au vote ». Nouveau rendez-vous est donné dans la rue ce vendredi passé, qui coïncide avec le 43e vendredi du hirak.
La Redaction
Source: Le FORUM
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