27 sommets Afrique-France aux fortunes diverses
Le sommet Afrique-France de janvier 2017 à Bamako (capitale du Mali) est le 27è depuis l’instauration de ces rencontres par le président Georges Pompidou en 1973. Nombreux sont les instruments de la coopération franco-africaine, mais le sommet Afrique-France reste la plus grande preuve des liens toujours plus étroits entre la France et l’Afrique en général et ses anciennes colonies en particulier. L’importance accordée des deux côtés à cette rencontre périodique se trouve dans la croissance du nombre de participants qui est passé de sept chefs d’État ou de gouvernement en 1973, à 37 à La Baule en 1990, pour en arriver à une cinquantaine attendue à Bamako, ce 14 janvier 2017.1er sommet, Paris 13 novembre 1973
C’est le président nigérien Hamani Diori , relais influent de la diplomatie française en Afrique, qui a eu l’initiative de cette rencontre à laquelle assistent outre Hamani Diori, les piliers de la zone francophone : Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), Albert-Bernard Bongo (Gabon) devenu plus tard Oumar Bongo Ondimba, le général Sangoulé Lamizana (Haute-Volta devenu par la suite Burkina Faso avec Thomas Sankara), le général Jean-Bedel Bokassa (Centrafrique qui se proclamera des années plus tard empereur, transformant ainsi la République Centrafricaine en empire), Léopold Sédar Senghor (Sénégal) et 4 délégations de ministère des Finances: Congo, Dahomey (devenu Bénin), Mali, Togo. La réunion définit un cadre pour les futures rencontres: organisme de concertation mutuelle de la coopération. Mais il sera révélé plus tard par des analystes et historiens, la principale préoccupation de la France, notamment celle du Président Georges Pompidou qui a présidé la rencontre. C’était d’ordre géo stratégique: faire participer l’Afrique à la reconstruction de la paix aux abords de la Méditerranée car on venait de sortir de la guerre Israélo-Arabe.
2e sommet, Bangui 7 mars 1975
A Bangui, les différentes délégations, déjà plus nombreuses qu’à la réunion de novembre 1973, manifestent leur désir de faire avancer dans le cadre d’une réunion amicale, les problèmes de l’Afrique francophone: la situation des pays éloignés de la mer, pays dits enclavés, la lutte contre la sécheresse et les catastrophes naturelles, enfin l’avenir de la francophonie. Valéry Giscard d’Estaing est le président français et entre les deux rencontres, Hamani Diori a été victime d’un putsch. Le Niger est représenté par le lieutenant-colonel Seyni Kountché. Le général Jean-Bedel Bokassa est devenu maréchal. Le major-général Juvenal Habyarimana (Rwanda), instigateur d’un coup d’État en juillet 1973, Michel Micombero (Burundi) sont présents ainsi que des délégations du Zaïre, de Maurice et des Seychelles. Lors de cette rencontre, le président français émet le vœu d’ouvrir la réunion aux pays lusophones (voisins des pays francophones et donc intéressés par la zone d’échanges commerciaux.
3e sommet, Paris 10 mai 1976
Alors que les deux précédentes conférences avaient été dominées par l’examen de problèmes spécifiquement africains ou euro-africains, celle de Paris se situe dans un cadre plus large: celui de l’Afrique indépendante à la recherche de son développement. Aussi, la conférence a-t-elle porté sur quatre points: l’inflation, le système monétaire international, le dialogue Nord-Sud et l’aide au développement.
Aux côtés du président français, Valéry Giscard d’Estaing, il y avait le major-général Habyarimana, devenu général. Le colonel Moussa Traore (Mali) et le général Gnassingbé Eyadéma (Togo) sont aussi présents. Le Dahomey, devenu Bénin, est représenté par le ministre de l’Industrie et de l’Artisanat. Les pays lusophones (Cap-Vert, Guinée-Bissau, Sao Tomé & Principe) ont également des représentants. L’Union des Comores, indépendante en juillet 1975, participe à la réunion avec son ministre de l’Intérieur.
Les questions monétaires et économiques de l’Afrique indépendante sont à l’ordre du jour ainsi que l’aide au développement. On décide de la création de deux fonds: un fonds de promotion de l’Afrique, financé par les pays industrialisés et un fonds de solidarité africain, financé par les pays africains et la France. La France participe aux côtés de l’Allemagne fédérale, la Suède et le Canada au Fonds africain de développement de l’Organisation de l’unité africaine (Oua).
4e sommet, Dakar 20 avril 1977
Les travaux de ce Sommet de Dakar sont dominés par ce que le Président Valéry Giscard d’Estaing appelle “la montée des périls en Afrique”. En effet, le climat d’incertitude, créé par le brusque développement de l’influence soviétique et la rivalité entre super-grands dans plusieurs régions du continent africain, pèse sur les travaux de la Conférence. La France, qui avait fourni un appui logistique au Zaïre lors de la première invasion de la province du Shaba, se montre ferme et rassurante: tout Etat africain a droit à la sécurité à l’intérieur de ses frontières, quelles que soient ses opinions politiques, déclare le président français à l’ouverture de ce quatrième sommet franco-africain. Cela dit, les problèmes de sécurité, malgré leur importance, n’ont pas caché aux participants l’ampleur des problèmes économiques, tels que l’inflation mondiale, la détérioration des termes de l’échange, l’avenir du dialogue Nord-Sud. L’influence soviétique gagne du terrain sur le continent provoquant de nouvelles tensions: les pays lusophones plongent dans des conflits intérieurs qui vont vite dépasser les frontières.
La Corne de l’Afrique voit des changements d’alliance. La guerre qu’a entrainé la décolonisation du Sahara espagnol, fait rage. Les problèmes de sécurité sont à l’ordre du jour mais l’inflation mondiale, les termes des échanges commerciaux et le dialogue Sud-sud restent les sujets dominants. Développement, paix, unité et coopération sont les maîtres-mots. A Dakar, les 19 pays africains représentés réaffirment avec fermeté que le seul combat qui mérite d’être livré en Afrique est le combat pour le développement dans la paix, l’unité et la coopération.
A ce quatrième sommet, le Tchad et les Seychelles, pays indépendants en juillet 1976, sont représentés par leurs chefs d’État, respectivement, le général Félix Malloum et James Mancham. Pour la première fois, une délégation participe comme observateur: le Territoire des Afars et des Issas.
5e sommet, Paris 22 mai 1978
Les 20 participants réunis autour du président français ont présents à l’esprit les événements qui se déroulent au même moment dans la province zaïroise du Shaba. Ainsi donc, plus qu’à Dakar, les problèmes de sécurité pèsent sur les débats, tandis que l’inquiétude se fait plus grande, à la mesure de l’aggravation des conflits déchirant l’Afrique au Sahara occidental, dans la Corne, au Tchad, sans oublier la décolonisation en Rhodésie et en Afrique australe. “Nous devons refuser que la politique des blocs ne ravage l’Afrique” déclare le Président Valéry Giscard d’Estaing. De son côté, parlant au nom des Etats africains, le président du Togo, le général Gnassingbé Eyadéma, dénonce “la violence aveugle, l’immixtion brutale des puissances étrangères dans les affaires de pays souverains et revendique le droit à la sécurité qui, seul, peut garantir la poursuite du développement”. Le chef de l’Etat gabonais, président en exercice de l’Oua, se fait le champion de la création d’un pacte d’assistance militaire entre tous les Etats qui voudront s’y associer.
Il faut signaler que le maréchal Jean-Bedel Bokassa est devenu l’empereur Bokassa Ier.. Djibouti est indépendant depuis le 27 juin 1977 et est présent avec son président, Hassan Gouled Aptidon. Le général Mobutu Sese Seko a fait pour la première fois le déplacement ainsi que le Président Moktar Ould Daddah de Mauritanie. Tous deux ont de bonnes raisons car, en ce qui concerne Mobutu, depuis une dizaine de jours, les rebelles katangais, basés en Angola, ont pénétré la province du Shaba au Zaïre. Concernant Moktar Ould Dada, le front Polisario au Sahara occidental (ex espagnol) est aux prises avec le Maroc et la Mauritanie. La Libye est entrée au Tchad. On parle du droit à la sécurité “garantie du développement” et d’un pacte d’assistance militaire entre États. La France fait une dotation exceptionnelle pour la lutte contre la sécheresse, accroît les moyens financiers du Fonds d’aide et de coopération, améliore les conditions de prêts de la Caisse centrale de coopération économique, future Agence française de développement. C’est à Paris que prend naissance l’idée, chapeautée par le Sénégal, de la réunion des chefs d’État et de gouvernement francophones. Elle prend forme en 1986, en devenant le Sommet de la Francophonie dans le cadre de l’Agence de coopération culturelle et technique.
6e sommet, Kigali 21 mai 1979
Si la conférence de Kigali se déroule dans un climat plus serein que les deux précédentes, marquées par les deux “invasions” du Shaba, elle connaît néanmoins des incidents : d’abord, le départ précipité de la délégation tchadienne dirigée par le général Djogo, vice-président du gouvernement provisoire de N’Djamena dont la représentativité est mise en doute par un certain nombre de délégations ; ensuite l’affaire Bokassa : les déclarations fracassantes à Paris de l’ambassadeur centrafricain démissionnaire, le général Bangui, lequel confirme les révélations d’Amnesty International relatives aux massacres d’écoliers centrafricains. Au sommet de Kigali, il est alors décidé de créer une mission d’enquête composée de délégués de 5 pays: Côte d’Ivoire, Liberia, Rwanda, Sénégal et Togo. En dehors de ces incidents, les problèmes de sécurité sont largement débattus.
La Conférence distingue trois étages dans la sécurité: les actions de solidarité franco-africaines ; la création d’une force panafricaine essentiellement dirigée contre “les Etats racistes de l’Afrique australe”; la signature d’accords régionaux de non-agression. Mais ce sont bien les problèmes économiques et le développement ainsi que les relations euro-africaines qui retiennent le plus l’attention. A noter que l’examen, à Kigali, des problèmes de développement en Afrique intervient au moment où, à Manille, la cinquième Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) s’efforce péniblement de faire avancer le dialogue Nord-Sud et qu’arrivent à leur terme les négociations pour le renouvellement de la Convention de Lomé. A cet égard, la Conférence lance un appel à la France pour traduire fidèlement les préoccupations des Etats Acp auprès de leurs partenaires de la CEE et des autres pays industrialisés. Enfin, avec l’approbation des participants au Sommet, Giscard d’Estaing, président en exercice de la CEE, s’entretient, à Karthoum, avec le chef de l’Etat soudanais, président en exercice de l’Oua, le général Gaafar El Nimeyri, auquel il demande de soumettre officiellement “l’idée avancée par la France d’une Conférence euro-arabo-africaine”. Ainsi progressait l’idée du “trilogue”, chère au Président Giscard d’Estaing qui reconnaît lui-même que sa “réalisation sera une tâche complexe et délicate “.
Notons que le colonel Jean-Baptiste Bagaza, auteur du coup d’État de novembre 1976 au Burundi est présent ainsi que Ahmed Abdallah Abderamane, président renversé en 1975 par les mercenaires de Bob Denard, puis remis en selle par les mêmes mercenaires, en mai 1978 et élu quelques mois plus tard. Le Liberia est représenté par son ministre des Affaires étrangères. La Mauritanie, qui a déposé son président après la guerre contre le Polisario (Sahara occidental) a dépêché son Premier ministre, le lieutenant-colonel Bouceif. Le Maroc, en pleine impasse au Sahara occidental, est représenté par un ancien ministre.
7e sommet, Nice 8 mai 1980
Préparée par la réunion à Paris les 3 et 4 avril 1980 des ministres des Affaires étrangères, le Sommet de Nice s’ouvre dans un climat assombri par la crise tchadienne. La déclaration officielle du vice-président du Gouvernement d’union nationale de transition (Gunt), le lieutenant-colonel Kamougué et les contre-déclarations officieuses des représentants de Hissène Habré fournissent des explications contradictoires sur la situation au Tchad. Mais le problème le plus crucial posé aux participants demeure les moyens d’amortir techniquement et financièrement les effets du choc pétrolier sur la balance des comptes (pour 12 pays africains francophones dépourvus de richesses pétrolières, la facture, qui était de 25 milliards de francs Cfa en 1973, atteindra 243 milliards fin 1980). Autre problème vital: l’insuffisance alimentaire constatée dans de nombreux pays du continent africain, notamment ceux du Sahel, victimes de la sécheresse (3 pays sahéliens seulement ont dépassé, en 1979, le seuil nutritionnel minimal de 2 200 calories par jour et par personne). A tous ces problèmes, la France a proposé des solutions, d’abord dans le cadre proprement franco-africain, mais aussi au sein de l’Action concertée pour le développement de l’Afrique (Acda) qui réalise la synthèse des propositions des 6 pays fondateurs (France, Allemagne fédérale, Etats-Unis, Belgique, Grande-Bretagne et Canada) avec les priorités retenues par les gouvernements et les institutions internationales africaines.
Ce sont, cependant, les exposés consacrés au trilogue qui constituent la pièce maîtresse du Sommet de Nice. De ces exposés, il ressort que le trilogue ne vise pas seulement à élargir la coopération économique entre pays africains dépourvus de matières premières, pays arabes exportateurs de pétrole et pays européens disposant de technologies avancées, mais également à apporter une dimension culturelle à une concertation permanente entre les civilisations arabe, africaine et européenne, unies, dès l’Antiquité, par des affinités naturelles.
La Guinée équatoriale est présente avec son président Teodoro Obiang Nguéma Mbasogo qui a renversé son oncle Francisco Macias, l’année précédente. La Somalie et la Sierra Leone sont représentées par leurs présidents respectifs, le général Siad Barré et Siaka Stevens. Cacophonie tchadienne entre le représentant du gouvernement unitaire à Nice et Hissène Habré resté à N’Djamena. La Haute-Volta a envoyé cette fois son ministre des Finances.
8e sommet, Paris 3 novembre 1981 (premier sommet de François Mitterrand)
Jamais la Conférence franco-africaine n’a réuni autant de participants à la fois francophones, anglophones, lusophones, hispanophones et arabophones. Force est de croire que le changement de régime politique intervenu en France, six mois plus tôt, par l’élection de M. François Mitterrand à la présidence de la République, a décidé nombre d’Etats à être présents à ce Sommet. Le changement en ce qui concerne la politique africaine de la France ne s’opère pas seulement dans la forme, mais dans le fond : “La France est disposée, affirme le Président Mitterrand, lorsque cela correspond aux décisions de l’Oua, à prêter son concours et à assurer les moyens qui garantiront votre souveraineté. C’est à ces conditions que le principe de non-ingérence si souvent invoqué et si souvent bafoué, retrouvera sa vraie signification”.
Un langage qui a d’autant plus porté que le chef de l’Etat français se montre convaincu que “la solution au drame du sous-développement ne passe pas par la mise en place de cultures ou d’industries exportatrices axées sur des technologies inadéquates et exclusivement tournées vers les marchés des pays développés. A un capitalisme marchand qu’orchestrent les firmes multinationales devrait être préféré un développement agricole et industriel mettant en valeur les ressources humaines et naturelles, en cherchant à satisfaire, par priorité, les besoins essentiels de la population”. Rien d’étonnant, donc, que le Président ivoirien, Houphouët-Boigny, parlant en sa qualité de doyen d’âge, relève que le nouveau chef de l’Etat français est “très proche de la sensibilité africaine”. Et souligne, par ailleurs, que son “intérêt pour le Tiers-monde ne s’est jamais démenti”. Les problèmes tchadien, namibien et celui que pose le Sahara occidental ont été l’objet des travaux de ce Sommet, tout comme ceux que soulève le développement face à une crise économique mondiale. Crise qui frappe, de plein fouet, les pays en développement dont la France se déclare solidaire car François Mitterand promet de porter l’aide française au développement à 0,70% du produit national brut.
Rappelons que, le général Kolingba a remplacé Bokassa Ier pour la Centrafrique et Abdou Diouf, Léopold Sédar Senghor pour le Sénégal. Goukouni Weddeye est présent pour le Tchad; le colonel Sayé Zerbo, qui a renversé le général Sangoulé Lamizana, représente la Haute-Volta, Denis Sassou-Nguesso, le Congo et Mathieu Kerékou, président du Bénin fait son premier déplacement. Le Soudan et l’Egypte ont envoyé leurs ministres.
Le Zimbabwe, qui vient d’abandonner le carcan de la Rhodésie du Sud, est présent avec son ministre du Travail et l’Angola avec un vice-ministre. C’est le lieutenant-colonel Ould Haïdalla qui représente la Mauritanie. Les pays arabophones sont au nombre de 9, les anglophones 6. Pas moins de 10 militaires parmi les chefs d’Etat. Le changement à la tête de l’Etat français a attiré du monde. Préoccupée par la situation à N’Djamena, la France décide d’apporter son aide à la mise en place d’une force interafricaine. On émet le souhait de voir la Namibie accéder à l’indépendance dès 1982.
9e sommet, Kinshasa 8 octobre 1982
La précédente conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique (telle est désormais l’appellation consacrée) réunie en 1981 avait battu, avec 32 participants, le record d’affluence depuis l’inauguration de ce nouveau cadre de dialogue. Ils sont 37 à Kinshasa. Au nombre des nouveaux venus: le géant ouest-africain qu’est le Nigeria et l’influente Tanzanie. Cette 9è conférence, à Kinshasa, présente une importance particulière; elle se tient à une époque où parler de l’éclatement de l’Oua n’était pas nécessairement jouer l’oiseau de mauvais augure.
Qu’on s’en souvienne: le sommet de l’organisation panafricaine, prévu à Tripoli (Libye) en août 1982, s’était révélé un rendez-vous manqué. Pis encore: le problème du Sahara occidental avait réveillé le vieux démon du clivage “progressistes contre modérés” à propos de l’admission ou non de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) comme membre à part entière de l’Oua. Bien que l’organisation en ait connu bien d’autres, cette crise était la plus grave, les deux clans rejetant toute concession. C’est donc dans cette atmosphère de blocage, pour ne pas dire de veille d’éclatement de l’Oua, que se sont retrouvés, à Kinshasa, 36 représentants des Etats africains sur les 50 que compte l’organisation panafricaine. Le quorum, qui n’était pas réuni à Tripoli, l’était d’une certaine façon à Kinshasa. De là à suggérer que cette conférence franco-africaine allait se substituer, par France interposée, au Sommet de l’Oua, il n’y avait qu’un pas, d’ailleurs allègrement franchi par ceux qui, à force de subodorer partout le néo-colonialisme, en étaient arrivés à ne pas considérer la diversité des régimes représentés.
En réponse, le Président Mitterrand a tenu à affirmer, à Kinshasa, que le Sommet franco-africain “n’est ni une institution, ni une organisation. Elle n’entend se substituer à personne, notamment à l’Oua. Nous n’en avons ni le mandat ni l’intention… C’est aux Africains qu’il appartient de se déterminer eux-mêmes, au niveau privilégié de l’Oua”.
Face à la crise mondiale qui frappe davantage les pays africains, le chef de l’Etat français a, une fois encore, plaidé pour l’instauration d’un véritable dialogue Nord-Sud auquel restent sourds, notamment, les Etats-Unis “qui diminuent leur aide au développement et dont les mouvements erratiques de la monnaie (le dollar) placent la plupart des pays dans une situation intolérable, surtout pour les pays en voie de développement”. S’il a stigmatisé la désorganisation du système monétaire international, la détérioration des termes de l’échange, et plaidé pour la garantie des cours des matières premières, l’autosuffisance alimentaire et la consolidation des accords de Lomé, le Président Mitterrand a tenu également à rassurer ses collègues que “la France est avec vous et restera à vos côtés, vous les Etats africains”. Mais cette solidarité réaffirmée ne doit pas occulter la réalité des possibilités : “La France, prise dans la tourmente de la crise, ajoute le chef de l’Etat français, ne peut, à elle seule, se substituer aux grands pays qui ont pris du retard, n’ont pas compris et ont limité leurs vues du monde aux rapports de force militaire”. Ce langage de la franchise a été apprécié.
La Conférence a également consacré la légitimité d’Hissène Habré à la tête de l’Etat tchadien après qu’il eut, quelques mois plus tôt, renversé le régime de Goukouni Weddeye. En effet, la participation d’Habré n’a nullement été contestée par les autres chefs d’Etat africains avec lesquels il eut des entretiens privés, en marge de la Conférence, ainsi qu’avec le Président Mitterrand. Celui-ci déclare, à l’issue de son tête-à-tête d’une heure avec le président tchadien, qu’”une situation de droit existe désormais au Tchad et que l’Etat tchadien, que la France reconnaît, a maintenant un pouvoir central”.
Lors de ce sommet, la Gambie est représentée pour la première fois par Daouda Jawara, son président. L’Angola, le Nigeria et la Tanzanie participent à un niveau ministériel.
10e sommet, Vittel 3 octobre 1983
La Conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique “n’est ni une institution, ni une organisation. Elle n’entend se substituer à personne, notamment à l’OUA…”. La précision faite au sommet précédent, plus précisément à Kinshasa en 1982, le président Mitterrand a tenu à la réitérer à Vittel en 1983. La mise au point était d’autant plus nécessaire que le problème tchadien – à côté de celui du Sahara occidental – demeure la pomme de discorde au sein de l’Oua. Or la Conférence de Vittel a surtout été dominée par le Tchad, aussi bien dans les discussions privées que dans les séances informelles, alors que l’organisation panafricaine, bloquée par ses divisions internes, s’était jusque-là montrée incapable d’arbitrer le conflit entre Tchadiens par la Libye interposée. Rien d’étonnant que le Sommet franco-africain, réunissant, d’une année sur l’autre, de plus en plus de dirigeants africains, soit suspecté, par certains, de se substituer, en sous-main, à l’Oua.
A Vittel, tous les participants, y compris Hissène Habré, se sont prononcés en faveur du dialogue entre Tchadiens et de l’intégrité du Tchad. Des divergences sont toutefois apparues parmi les Africains quant au cadre à donner à ces discussions conçues par les uns (essentiellement les francophones) comme un dialogue entre le gouvernement légitime représenté par Hissène Habré et des rebelles. D’autres, tel le Congo, entendent mettre sur le même plan le Gunt et le régime de N’Djamena. Dans les milieux français, on estime que l’intervention au Tchad avec le dispositif «Manta» place les Africains devant leurs responsabilités pour qu’ils trouvent une solution politique, après le gel des opérations militaires libyennes sur le terrain. Cette attitude a suscité, toutefois, certaines critiques privées de la part de ceux qui estiment que Paris a un rôle primordial à jouer dans la recherche de cette solution, ne serait-ce que par le poids qu’elle peut avoir auprès du colonel Kadhafi.
On retient principalement de ce sommet la participation remarquée de Thomas Sankara (Burkina Faso) et celle de João Bernardo Vieira (Guinée-Bissau). Le Kenya est pour la première fois représenté à la rencontre Afrique-France.
11e sommet, Bujumbura 11 décembre 1984
Si la précédente conférence a surtout été dominée par le problème tchadien, tel ne fut pas le cas à Bujumbura. Le dispositif “Manta” mis en place au Tchad par la France avait stoppé les velléités de conquête libyennes, même si les troupes du colonel Kadhafi demeuraient maîtres de la bande d’Aouzou. Dans le même temps, le président congolais, Denis Sassou Nguesso, avec la bénédiction de ses pairs africains et les encouragements de la France, avait entrepris des tentatives de réconciliation des diverses factions tchadiennes. Par ces temps de crise mondiale aggravée, en Afrique, par la sécheresse, les problèmes économiques ont donc constitué l’essentiel des discussions: l’endettement, la stabilisation des recettes, l’autosuffisance alimentaire. Pour la première fois est abordée la course à l’armement en Afrique qui grève les budgets, au détriment du développement.
En introduisant ce sujet dans les débats, les délégations, comme celle du Burundi, entendaient ainsi souligner un choix, en une période où la guerre la plus meurtrière que subit l’Afrique a pour nom la sécheresse et son corollaire, la famine. L’heure n’est donc plus au catalogue des doléances ni aux vœux pieux. Il s’agit de mobiliser l’Afrique. Le Président Mitterrand a également rappelé la volonté de la France de continuer à aider au développement de l’Afrique qui, déjà, “reçoit plus des deux tiers de l’ensemble des concours publics français au développement. C’est notre devoir, mais c’est aussi mon choix ” dit Mitterrand.
12e sommet, Paris 11 décembre 1985
Présidé par François Mitterrand cette rencontre sommet a vu la première représentation (ambassadeur) du Botswana au sommet Afrique-France. Le colonel Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, qui a renversé son prédécesseur Mohamed Khouna Ould Haidalla (Mauritanie), un an plus tôt, a rejoint Paris. Le roi Hassan II est également présent: la question du référendum au Sahara occidental est à l’ordre du jour. Au Tchad, La France a le sentiment de s’être “fait avoir” en retirant ses troupes, ce que n’a pas fait la Libye. Les pays africains sont étonnés de ne pas voir de réplique militaire française. Mais “l’unité du Tchad concerne les Tchadiens” réaffirme François Mitterrand. Au chapitre de l’économie : les États africains croulent sous le poids de leurs dettes et sont incapables d’aller de l’avant.
Le Président François Mitterrand souligne son engagement en faveur de l’Afrique auprès des instances internationales (sommet des pays industrialisés, Gatt, etc). Le régime d’apartheid en Afrique du Sud s’invite aussi dans cette rencontre et décroche une condamnation sans faille. La dispute entre la France et les Comores sur le statut de l’île de Mayotte (qui a voté deux fois pour son maintien comme département d’outre-mer français) n’est pas réglée et le président français laisse entendre qu’il y a eu une “erreur” dans le passé. L’Onu est convoquée pour une session extraordinaire sur la dette africaine. La décision de créer une Maison de l’Afrique est entérinée.
13e sommet, Lomé 13 décembre 1986
Le Liberia et le Soudan sont représentés pour la première fois à un haut niveau : Samuel Doe et Ali Hassan Taj Eddin conseiller spécial du nouveau président Sadiq al-Mahdi pour les questions africaines. Le sommet compte un invité spécial: Jacques François, membre du Conseil national de gouvernement mis en place par le général Namphy, à Haïti.
Si la conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique n’était, chaque année, qu’une sorte de grand-messe au rite et au cérémonial immuables, ses participants auraient perdu la foi depuis plus d’une décennie. Mais le constat est tout autre: ce qui, au départ, se voulait des “retrouvailles familiales annuelles entre la France et l’Afrique francophone”, s’est irrésistiblement élargi au reste de l’Afrique, qu’elle soit anglophone, lusophone ou hispanophone. A telle enseigne que ses détracteurs n’ont pas hésité à comparer ce Sommet – qui, pourtant, s’est toujours voulu informel – à une Oua-bis autour de la France. La conférence réunie à Lomé a conservé tout l’intérêt du dialogue. Le problème tchadien qui, depuis des années, occupe le devant de la scène des sommets franco-africains n’a pas fait défaut. Mais il a, cette fois-ci, changé de nature : de guerre civile, il est en passe de n’être plus qu’un conflit international opposant deux Etats. En effet, des milliers de combattants goukounistes, ralliés au régime de N’Djaména, retournent maintenant leurs armes contre leurs alliés libyens d’hier, au nord du 16è parallèle.
L’épineux dossier du Tchad
Des contacts sont engagés entre Hissène Habré et Goukouni Oueddeï par émissaires interposés, via Alger et Libreville, entre autres. Tandis que le chef du Gunt – destitué par des factions tchadiennes encore au service de Tripoli – blessé au cours d’un échange de coups de feu avec des hommes de Kadhafi, est prisonnier dans la capitale libyenne. La réconciliation amorcée entre Tchadiens est chaleureusement saluée à Lomé. L’hôte du Sommet, le Président Eyadéma, souligne “qu’après plus de vingt ans de guerre fratricide, le Tchad retrouve, enfin, l’ère d’une renaissance chargée de promesses, à la suite des ralliements de diverses tendances au gouvernement de N’Djaména…” Quant au Président Mitterrand, il déclare notamment: “Le jour viendra où ce pays fera – j’en suis convaincu, et j’exprime la volonté de la France – la démonstration de la vanité des entreprises qui le menacent, le jour où le patriotisme de chacun de ses fils l’emportera sur les querelles d’hier. Alors on verra clairement où se trouve l’origine d’un conflit qui se trouve, aujourd’hui, devenu international”. Allusion à peine voilée à la Libye. D’autant moins que le Président Hissène Habré a annoncé que son pays vient de déposer, le 14 novembre, une plainte contre la Libye devant le Conseil de sécurité des Nations unies.
Est-ce à dire que, face à la nouvelle réalité prévalant sur le terrain, la France entend désormais modifier sa politique d’appui militaire à N’Djaména ? Certes, Paris a accepté d’y envoyer une aide supplémentaire: armement léger, moyens de transmission, médicaments… Ce qui permettra aux troupes d’Hissène Habré d’effectuer quelques raids rapides au-delà du 16è parallèle, pour prendre contact avec les goukounistes ralliés, les approvisionner en munitions et secourir les populations civiles durement affectées par les bombardements libyens. Mais, pour le reste, la France maintient sa position: le dispositif Epervier, qui a remplacé “Manta” continue de verrouiller le terrain, interdisant à l’armée libyenne toute tentative de franchissement du 16è parallèle. Et le chef de l’Etat français de préciser: “La France ne se laissera pas entraîner au nord du 16è parallèle, même si des actions d’imprudence étaient accomplies”, se montrant, par ailleurs, réservé quant à l’éventualité d’une action frontale des forces tchadiennes contre les Libyens. Car, estime le Président Mitterrand, la situation mûrissait d’elle-même. Mais qu’on ne s’y trompe pas : “La France est prête à soutenir, plus encore, les efforts du Président Habré qui commence à voir son action récompensée…”
Autre thème fort: les difficultés des économies africaines
Le ton est donné par le chef de l’Etat togolais, le général Eyadéma, qui, dans une analyse rigoureuse de la situation économique des Etats africains, ne s’est nullement contenté de jeter le tort sur les autres: “Pour notre part, dans l’euphorie de l’indépendance, des erreurs ont été commises, et les politiques de développement étaient inadaptées. Ces erreurs d’orientation ont été corrigées ou accentuées. Toujours est-il que leurs conséquences directes ou indirectes sont à l’origine de la situation que connaît aujourd’hui l’Afrique, et dont les effets sont semblables à ceux d’une guerre mondiale…” Conclusion logique: les pays du Nord pourraient mettre en œuvre une sorte de plan Marshall en faveur du Sud, à l’instar de celui que les Etats-Unis mirent au point pour l’Europe, après la Seconde Guerre mondiale. Cette suggestion a été approuvée par le Président Mitterrand qui, à l’occasion, a souligné l’effort déployé par la France pour aider au développement de l’Afrique: “J’avais annoncé, en 1981, à la Conférence de Paris, que l’aide de la France aux pays les moins avancés serait portée à 0,15 % du produit national brut en 1985. Cet objectif a été atteint dès 1984, soit un an avant la date prévue… Alors que notre aide bilatérale a progressé, au total, entre 1980 et 1984, de 47 %, l’aide consacrée à l’Afrique subsaharienne a augmenté de 64 %…” Regrettant que les excédents financiers de certains pays du Nord semblent devoir aller prioritairement combler les déficits budgétaires d’autres pays du Nord, au lieu de servir à satisfaire les besoins du Sud, le chef de l’Etat français souligne que l’avenir du monde tout entier dépend du sort du Tiers-monde. Si ces pays sombrent, nous sombrerons tous aussi! Il a défini les cinq grandes directions que les pays industrialisés devraient choisir pour aider au développement des pays du Sud: S’assurer une croissance élevée et durable; augmenter leurs aides publiques au développement; ouvrir les marchés des pays du Nord aux produits du Tiers-monde; résoudre le problème de l’endettement, et progresser, enfin, vers le désarmement.
Déjà, le terrorisme international au menu
Le terrorisme international était un sujet inconnu dans ce cercle. Ce fut une nouveauté à Lomé. Et pour cause: quelques semaines auparavant, le Togo avait dû faire face à une tentative de coup d’Etat perpétrée par “des groupes armés venus de l’étranger”. La France, faisant jouer l’accord de défense la liant au Togo depuis 1963, avait dépêché à Lomé, à la demande du Président Eyadéma, des éléments parachutistes et des moyens aériens. Le chef de l’Etat togolais n’a donc pas manqué de soulever le problème, stigmatisant “certaines forces, ennemies de la paix, (qui) ont juré d’exporter la violence terroriste à travers le monde, et de frapper, de façon aveugle, des pays innocents (…) Nous nous devons, au sein de notre communauté, d’initier des accords de coopération qui nous permettent de poursuivre les auteurs et les commanditaires des attentats perpétrés dans un pays en paix…”
Pour le président Mitterrand, la cause est entendue: sans jouer les gendarmes en Afrique, la France, en accord avec la Charte des Nations unies et avec celle de l’Oua, partage cette préoccupation. Et elle entend contribuer au maintien des indépendances, de l’unité, de la souveraineté des Etats africains amis.
Autre sujet débattu: l’Afrique australe
“C’est, sur le continent africain, le plus grand foyer d’insécurité… où nos frères sud-africains et namibiens sont, au monde, les seuls peuples opprimés dans leurs propres pays… Seule la poursuite des sanctions économiques décidées par la Communauté internationale contre ce pays peut amener la minorité dirigeante à mettre fin à l’apartheid…” a souligné le Président Eyadéma. Après avoir rappelé les mesures prises par la France contre l’Afrique du Sud, le Président Mitterrand a indiqué que “la France est prête à accroître son aide aux populations sud-africaines pour que vienne, enfin, et le plus tôt possible, le temps de la dignité…En ce qui concerne le Sahara occidental, la France entend respecter le droit international, tel qu’il a été reconnu par les Nations unies, les droits des populations à l’autodétermination, c’est-à-dire une simple règle de justice… “ Pour la première fois, la délégation française, conduite par le chef de l’Etat, comprenait également le Premier ministre, Jacques Chirac. C’est l’une des illustrations de la cohabitation instaurée en France, depuis le changement de majorité parlementaire, le 16 mars 1986.
14e sommet, Antibes 10 décembre 1987
François Mitterrand et le Premier ministre, Jacques Chirac, assistent tous les deux à la réunion. Pour la première fois, Félix Houphouët-Boigny est absent (raisons de santé). Abdou Diouf est en campagne électorale au Sénégal. Le gouvernement français a fait parvenir une note aux participants avant la rencontre, avec deux thèmes de discussion: dette publique et les prix des matières premières. Les deux sont liés. Le Zaïre soutient l’idée d’une conférence internationale sur la dette qui offrira l’occasion d’un forum de négociations entre partenaires : proposition retenue par le sommet. La France envisage un rééchelonnement des dettes africaines et décide de contribuer à hauteur de 500 millions de dollars aux facilités des programmes d’ajustement structurel du Fmi. L’avenir de la zone franc et le marché unique européen à l’horizon 1992 sont également évoqués. Le Tchad est toujours en situation de fragilité. Le Zaïre prend langue avec l’Angola qui a dépêché son ministre de l’Intérieur, à propos du soutien apporté à Jonas Savimbi et les troupes de l’Unita contre Luanda.
15e sommet, Casablanca 14 décembre 1988
La 15è conférence des chefs d’Etat a été, certes, consacrée aux dossiers économiques et financiers, face à l’une des crises les plus graves que traverse le continent africain paralysé dans son développement par le poids insupportable de son endettement. Mais, pour la première fois depuis longtemps, le Sommet a eu l’occasion de relever une évolution vers l’apaisement de conflits régionaux et d’affrontements politiques en cours depuis de longues années: le Tchad où la reconstruction du pays est alors de nouveau engagée, et où le conflit avec le Libye est stabilisé, en attendant le règlement du différend sur la bande d’Aouzou; l’Angola (le retrait cubain) et la Namibie (l’indépendance), pour lesquels le protocole d’accord signé à Brazzaville, la veille du Sommet, offre la perspective d’une évolution positive; le Sahara occidental, où la procédure référendaire est enfin accepté par le Maroc et la Rasd. Ce Sommet de Casablanca est également l’occasion d’un retour remarqué du Maroc sur la scène africaine.
François Mitterrand est présent à ce sommet où, après 4 sommets d’absence, le Burkina Faso revient avec Blaise Compaoré qui a renversé Thomas Sankara (assassiné en 1987). Pierre Buyoya, le Putchiste de consensus, comme le surnomme le quotidien français Libération, a déposé Jean-Baptiste Bagaza, un an plus tôt, au Burundi. Lansana Conté représente la Guinée. La situation au Tchad s’est apaisée, la Namibie est proche de voir son indépendance (mars 1990), les Cubains ont quitté l’Angola. Enfin, le Maroc a accepté la procédure du référendum au Sahara occidental. Restent les questions économiques avec la dette et le prix des matières premières. Les États africains se plaignent des interventions du Fmi et de la Banque mondiale.
Promesse d’annuler la dette des pays pauvres
La France réitère sa promesse d’annuler le tiers de la dette des pays pauvres et rend compte de sa mission auprès des institutions internationales sur la question de la dette. Le marché unique européen ? Si on annonce que la parité avec le FCFA sera maintenue, il est question de restructurer le système bancaire africain. Un Observatoire du Sahara, chargé de suivre les évolutions climatiques et une cellule d’urgence sur les migrations des criquets pèlerins sont créés.
16e sommet, La Baule 19 juin 1989
Première apparition du chef d’État ougandais, Yoweri Museveni qui a pris le pouvoir en janvier 1986 et du Mozambicain Joaquim Chissano, qui a accédé au pouvoir en novembre de la même année, à un sommet France-Afrique.
“Il y aura une aide normale de la France à l’égard des pays africains, mais il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire, et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront, avec courage, ce pas vers la démocratisation…” C’est bien la première fois que la France, par la voix de son président, annonce clairement qu’elle accordera, désormais, une “prime à la démocratisation des régimes africains”. Mais l’annonce n’était pas si surprenante, à l’heure où un vent d’Est balayait les régimes autoritaires d’Europe orientale et centrale, et où, sous la pression de la rue, un grand nombre de pays africains ont dû, eux-mêmes, amorcer une “ouverture démocratique”.
Le Président Mitterrand avait, auparavant, pris la précaution de préciser: “Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires intérieures. Pour nous, cette forme subtile de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux Etats africains et à ceux qui les dirigent, c’est une forme de colonialisme aussi perverse que toute autre. Ce serait considérer qu’il y a des peuples supérieurs, qui disposent de la vérité, et d’autres qui n’en seraient pas capables, alors que je connais les efforts de tant de dirigeants qui aiment leur peuple, et qui entendent le servir, même si ce n’est pas de la même façon que sur les rives de la Seine ou de la Tamise…” Et d’ajouter: “Lorsque je dis démocratie, lorsque je dis que c’est la seule façon de parvenir à un état d’équilibre au moment où apparaît la nécessité d’une plus grande liberté, j’ai, naturellement, un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure… A vous peuples libres, à vous Etats souverains que je respecte, de choisir votre voie, d’en déterminer les étapes et l’allure…”
Le Sommet ne s’est évidemment pas limité aux questions politiques. La coopération franco-africaine y a également pris, comme d’habitude, une part importante.
17e sommet, Libreville le 11 avril 1992
Le Pacte national signé à Bamako, le 11 avril 1992, comme solution au problème touareg, est accueilli avec soulagement dans la mesure où il garantit aux parties d’œuvrer dans le cadre des institutions démocratiques pour la paix, la sécurité et la stabilité dans la région.
Pour la première fois depuis 1973, la Conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique se réunit en l’absence du président de la République française. C’est, en effet, le Premier ministre, Pierre Bérégovoy, que le Président Mitterrand, convalescent après une délicate intervention chirurgicale, charge de le représenter à ce Sommet. Jamais, depuis Nice en 1980, il n’y a eu si peu de chefs d’Etat africains. Malgré l’importance des tête-à-tête entre le président français et ses homologues africains, dans ce type de réunion, l’absence du numéro Un français n’explique pas tout. Le “discours de la Baule”, deux ans plus tôt, et sa “prime à la démocratisation” commencent à faire leurs effets tant au Togo, au Zaïre, au Niger, à Madagascar qu’en Centrafrique. Autant de pays dont les chefs d’Etat ont préféré s’éclipser. Sans parler de ceux des Comores et de Djibouti, confrontés à une instabilité intérieure.
La dévaluation du franc Cfa en question !
La France, pour la première fois, se range à l’avis des Etats africains qui estiment draconiennes les conditions imposées par les institutions internationales en échange de leur aide. “Il est des ajustements qui sont nécessaires dans vos pays, des économies à faire, souligne le Premier ministre français, mais il faut y aider, et non vous y contraindre… Nous avons tous des devoirs à l’égard des institutions monétaires internationales, mais nous avons aussi des droits. Ce qui me choque le plus, c’est que le flux des capitaux soit devenu négatif, autrement dit, que les pays africains reçoivent moins qu’ils ne remboursent… Parce qu’un certain nombre de pays ont refusé la dévaluation du franc Cfa que la Banque mondiale suggérait, ils se trouvent privés de concours… Je dis non ! Il faut davantage de compréhension… Ce refus de la dévaluation, le gouvernement français réaffirme qu’il le partage avec ses partenaires de la zone d’autant que ceux-ci tiennent au maintien de la parité du franc Cfa liée au franc français”.
Omar Bongo : “Le continent africain balance dans l’espoir et l’angoisse…”
Hôte de ce Sommet, le président gabonais, Omar Bongo, a su, en quelques touches précises, brosser le tableau de la situation: “Le continent africain balance entre l’espoir et l’angoisse. En Afrique australe, nous avons vu s’engager, enfin, la liquidation du système odieux de l’apartheid. Mais nous constatons les dramatiques difficultés qui parsèment le chemin restant à parcourir, tandis que le sang de nos frères coule encore… Nos pays butent, aujourd’hui plus que jamais, sur de graves difficultés financières, économiques et sociales. La faiblesse des ressources naturelles dans certains cas, l’insuffisance des prix de vente des productions minières ou agricoles dans d’autres, limitent gravement les revenus de l’Afrique. En outre, les fonds obtenus par la vente des productions africaines sont largement absorbés par le paiement de la dette extérieure…Nous manquons ainsi toujours plus gravement des moyens d’assurer la relance de notre croissance économique, de répondre aux demandes sociales accrues de nos populations, et de conforter, par le progrès économique et social, le développement démocratique auquel nous sommes attachés, ce développement démocratique que nous continuons de faire avancer malgré toutes les difficultés matérielles de notre continent. C’est pourquoi nous appelons à la solidarité”.
Le sang coule en Afrique
Le sang qui coule encore, c’est au Liberia: le Sommet encourage les Etats membres de la Cedeao dans leurs efforts pour restaurer la paix et la stabilité dans ce pays. En Somalie: la proposition faite devant la 47è session de l’Assemblée générale de l’Onu par le président sénégalais, Abdou Diouf, de convoquer une conférence internationale en vue de résoudre le conflit somalien, est chaleureusement approuvée. Au Mozambique: l’accord de Rome d’octobre 1991 ouvre la voie vers la paix. Au Rwanda: le gouvernement de Kigali et le Front patriotique rwandais sont encouragés à poursuivre leurs négociations pour parvenir à un accord global permettant le retour de la paix, dans le respect de l’intégrité territoriale. En Angola: le Sommet exhorte toutes les parties à respecter les engagements souscrits dans le cadre des accords d’Estoril.
18è sommet, en1994 à Biarritz
C’est un François Mitterrand physiquement très éprouvé par la maladie qui est venu à Biarritz défendre jusqu’au bout de son second septennat sa politique africaine, et faire ses adieux aux chefs d’Etat africains et à ce continent qu’il connaissait fort bien et depuis longtemps. François Mitterrand participait ainsi à son dixième Sommet, ces réunions n’ayant lieu que tous les deux ans à partir de 1988, et, toujours pour cause de maladie, n’ayant pas participé au Sommet de Libreville en octobre 1992. Ce Sommet de Biarritz intervient en tout cas dans un contexte de politique intérieure difficile pour un président français épuisé, marqué par la deuxième cohabitation, au cours de laquelle le Premier ministre Edouard Balladur, présent à Biarritz, et ses ministres des Affaires étrangères Alain Juppé et de la Défense François Léotard, cherchent à faire valoir leurs influences sur la politique africaine de la France, traditionnellement considérée comme le domaine réservé du chef de l’Etat.
Mitterrand sur la dévaluation du Fcfa
Un Sommet marqué aussi par les affaires et en particulier celles dont il fut beaucoup question dans les couloirs et qui allaient provoquer peu après la démission brutale du ministre français de la Coopération, Michel Roussin. Deux grands événements concernant l’Afrique s’étaient déroulés depuis le début de l’année 1994, qui ont largement dominé les débats formels et informels du Sommet de Biarritz. D’abord la dévaluation du Fcfa en janvier, qui fut un choc considérable pour les 14 pays concernés du continent. Même si entre janvier et novembre, les bailleurs de fonds et en particulier la France avaient réussi à conclure des accords avec la plupart de ces pays permettant l’octroi d’un important soutien financier destiné à supporter les premiers effets de cette dévaluation, les chefs d’Etat de ces 14 pays manifestent encore à Biarritz de grandes inquiétudes.
Ce qui conduit François Mitterrand à beaucoup insister d’une part sur le maintien de l’effort d’aide internationale à l’Afrique, d’autre part sur la poursuite des efforts d’assainissement de leurs économies par les pays africains, ne manquant pas au passage de critiquer durement le Fmi, et surtout la Banque mondiale. Il insiste sur le rôle qu’il a tenu à jouer dans cette dévaluation mise en place par le Premier ministre Edouard Balladur et son ministre de la Coopération Michel Roussin.
Le génocide rwandais
Deuxième événement en avril 1994, les massacres de plusieurs centaines de milliers de Rwandais à la suite de l’attentat qui devait causer la mort du président Juvénal Habyarimana (qui avait personnellement participé entre 1978 et 1992 à 12 Sommets franco-africains), et provoquer l’opération Turquoise. Cette intervention militaire à but humanitaire fut voulue avec insistance par François Mitterrand, malgré l’indifférence de la communauté internationale et les réticences de certains ministres du gouvernement français. Les conditions limitatives dans les missions et la durée de cette intervention furent définies par le Premier ministre Edouard Balladur. Au cours du Sommet, cette opération ainsi que la politique rwandaise de François Mitterrand furent l’objet de vives controverses. D’autant plus que le Rwanda n’avait pas été invité à participer à ce Sommet. Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé expliquait que le gouvernement de Kigali n’avait pas été convié parce que la “stabilisation de la démocratie n’avait pas encore été réalisée”. Il reprochait aussi aux responsables rwandais d’avoir tenu des “propos particulièrement agressifs” contre la France. “Ce n’est pas comme cela qu’on s’intègre dans une réunion d’amis”, avait-il ajouté. Sur l’aide, sur les aléas de la démocratisation, sur le rôle de la France au Rwanda, les participants au contre-Sommet organisé à Biarritz par une coalition pour ramener à la raison démocratique la politique africaine de la France, regroupant plusieurs Ong et associations, n’ont pas manqué de multiplier les accusations contre les responsables de la politique africaine de la France, poussant en particulier les conseillers de François Mitterrand à jouer un rôle actif d’avocats de cette politique.
Après la tragédie du génocide au Rwanda, la majorité des chefs d’Etat africains était sur le principe favorable à la création d’une telle force. Mais tous n’étaient pas du même avis sur son articulation avec l’Oua et l’Onu, sur sa structure, etc. A Biarritz, une mission de réflexion est confiée au chef de l’Etat togolais Gnassingbé Eyadéma, dont les résultats n’ont jamais été rendus publics.
Le testament africain de François Mitterrand
A la Baule et à Libreville, le président zaïrois Mobutu Sese Seko, boudé par ses pairs, n’avait pas participé. A Biarritz, en raison surtout de la situation dans la région des Grands lacs, on assiste au grand retour politique du chef de l’Etat zaïrois. Autres présents remarqués pour leurs premières participations à ces sommets: les chefs d’Etat du Zimbabwe et du Cameroun, ainsi que les représentants d’Afrique du Sud, d’Erythrée et d’Ethiopie. En conclusion de son discours, François Mitterrand formulait ainsi son testament africain: “Pour ma part, je me suis toujours opposé aux tentations déclarées ou insidieuses de brader la politique africaine de la France, ou de décider pour tel ou tel pays, à la place de ceux qui en avaient la charge, comme si nous étions des prophètes inspirés, chargés de dicter aux peuples africains ce qui était la voie la meilleure pour eux. Ce sont des tentations permanentes, une forme de colonialisme renversé que je n’accepte pas plus que les autres (…) J’en appelle à ceux qui auront après moi la charge des affaires du pays. La France ne serait plus tout à fait elle-même aux yeux du monde, si elle renonçait à être présente en Afrique, aux côtés des Africains, pour être à côté d’eux tout simplement, pour contribuer à construire un cadre de paix, de démocratie et de développement, pour réussir ensemble une grande aventure humaine, au pire des difficultés, mais en gardant ses vieilles traditions, ses fortes cultures, et cette nature des hommes qui espèrent et qui croient toujours en la chance de l’humanité”.
19e sommet, Ouagadougou en 1996
C’est le premier sommet de Jacques Chirac en tant que président de la République française. Les hôtes burkinabè, sous l’autorité du président Blaise Compaoré et de son ministre des Affaires étrangères, Ablassé Ouedraogo, ont voulu donner à ce 19è sommet un contenu plus structuré et un peu moins informel que les précédents. C’est autour du thème retenu, la bonne gouvernance et le développement, que dès août 1996, un atelier de réflexion a été organisé à Ouagadougou pour préparer les débats du sommet. Dès la première séance à huis clos, trois chefs d’Etat se sont chargés d’introduire ces débats. Le président français, Jacques Chirac, a évoqué le rôle des donneurs d’aide et les efforts déployés en matière d’aide au développement depuis le sommet du G7 à Lyon en juin 1996. Le président du Botswana, Quett Ketumile Masire, a présenté le problème des rapports entre bonne gouvernance et démocratisation et le président burkinabé, Blaise Compaoré, s’est penché sur les liens entre bonne gouvernance et décentralisation.
Une longue déclaration finale
A l’issue des discussions, une longue déclaration finale a été publiée qui reprend un certain nombre de principes généraux sur le développement durable et la nécessité des réformes économiques, sur la dimension sociale du développement, sur l’Etat de droit et les obligations qu’il implique. Pour ce qui concerne les réformes économiques, les grands axes ont été rappelés: réorganisation des fonctions publiques, consolidation des institutions démocratiques et baisse des dépenses militaires, transparence, intégration régionale, environnement sécurisant pour les investissements, appui au secteur privé.
Les questions de sécurité ont également occupé une large part des discussions
Dès les réunions ministérielles et celles du groupe restreint des pays francophones, la question des conflits en Afrique, celle de la sécurité institutionnelle, les problèmes liés au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix et les efforts entrepris dans le cadre sous-régional ont longuement été évoqués. La déclaration finale confirme que les chefs d’Etat, de gouvernement et de délégation ont affirmé leur “détermination à œuvrer ensemble à la stabilisation et à la sécurité en Afrique, en appuyant les processus en cours visant à doter l’Afrique des instruments nécessaires à la prévention des crises et au maintien de la paix. Ils ont réaffirmé leur appui aux mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits et notamment ceux de l’Organisation de l’unité africaine, ainsi qu’à l’utilisation des structures sous régionales ayant vocation à assurer une meilleure prévention des crises et une meilleure coordination des efforts nationaux, sous l’égide des Nations unies”.
Une attention toute particulière a été accordée au dossier de la dissémination des mines terrestres antipersonnel qui concerne directement une vingtaine de pays du continent et pour lequel un traité international était à l’époque du sommet en cours de négociation. Ce traité a finalement été conclu à Ottawa en septembre 1997 et signé depuis par une quarantaine de pays africains. C’est quand même la crise des Grands lacs qui en matière de sécurité et sous la pression de l’actualité aura occupé le devant de la scène. Le président zaïrois Mobutu, après son retour lors du sommet de Biarritz aura été l’un des grands absents de ce sommet franco-africain. Chassé du pouvoir par Laurent Désiré Kabila en mai 1997 et décédé quelques mois après, il était alors menacé par l’opposition armée venant de l’est du Zaïre.
Le renouvellement du mandat de Boutros Boutros-Ghali en question
Le sommet a été sérieusement agité en coulisses par les polémiques sur le renouvellement du mandat de Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations unies qui se heurtait à un veto catégorique du gouvernement américain. Le président camerounais Paul Biya, attendu dans la capitale burkinabé, mais qui n’est finalement pas venu, a lancé un appel à ouvrir le jeu à d’autres candidatures africaines pour que le continent ne perde pas le siège de secrétaire général. Le Nigérien Hamid Al Gabid, le Mauritanien Ahmed Ould Abdallah, le Sénégalais Moustapha Niasse, l’Ivoirien Amara Essy… et le Ghanéen Kofi Annan figuraient alors parmi les candidats dont le nom était évoqué.
Les mutineries répétées en Centrafrique
L’autre gros dossier d’actualité traité à l’occasion de ce 19è sommet a été celui de la Centrafrique. Déstabilisé par trois sérieuses mutineries militaires au cours de l’année 1996, le régime, controversé, du président Ange Félix Patassé n’avait assuré sa survie que grâce à l’intervention des forces françaises stationnées alors en Centrafrique. Mais Paris ne souhaitait clairement pas assumer seul la charge de cette crise et se retrouver enfoncé dans le bourbier centrafricain, alors qu’on affichait du côté français le souci urgent et prioritaire de ne plus intervenir militairement sur le continent, en particulier dans les crises intérieures.
ATT désigné comme Médiateur en chef en Centrafrique
A l’issue des trois mutineries d’avril, mai et novembre, les militaires rebelles restaient puissants dans les quartiers du sud-ouest de Bangui, occupant aussi, de l’autre côté de la capitale le camp militaire de Kassaï. L’urgence était grande de trouver une porte de sortie. Face à cette urgence, la crédibilité du sommet franco-africain était en cause. Avec l’appui total de la France et des autres Etats participants, quatre chefs d’Etat ont accepté pendant le sommet de s’engager dans une médiation politique pour sortir de cette crise: le Gabonais Omar Bongo, le Tchadien Idriss Déby, le Malien Alpha Oumar Konaré et le Burkinabè Blaise Compaoré. A l’issue même du sommet les quatre se sont aussitôt rendus à Bangui. De cette initiative allant dans le sens d’une prise en charge par les Africains de leur insécurité, et qui fera date dans l’histoire des sommets, naîtra un processus de règlement souvent cité comme exemplaire. Le Malien Amadou Toumani Touré sera chargé de présider un Comité international de suivi qui aidera à la conclusion en mars 1998 d’un pacte de réconciliation. Mais, surtout, une force interafricaine, la Mission interafricaine de surveillance des accords de Bangui (Misab), composée de militaires de six pays (Gabon, Tchad, Sénégal, Mali, Togo, Burkina Faso) sera déployée pour stabiliser la situation et favoriser la négociation. Cette force, dont tout le monde estime qu’elle s’est correctement acquittée de sa mission, sera relayée en 1998 par une force des Nations unies, la Minurca.
20e sommet à Paris en 1998
Déjà en 1998, le sommet Afrique-France s’intéressait principalement à la question sécuritaire. En effet l’ordre du jour comportait essentiellement sur les questions de sécuritaires et plusieurs sujets ont fait l’objet de présentations prévues d’avance, sur le maintien de la paix et le rôle de l’Onu et des organisations régionales, sur la lutte contre les trafics d’armes de petit calibre, et sur l’élimination des mines antipersonnel. Egalement évoqués les problèmes de reconstruction post-conflit et le lien entre sécurité et développement. Les chefs d’Etat se sont félicités des efforts et des ambitions de la Cedeao pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits et ont évoqué le projet de Force ouest-africaine pour le règlement de la crise en Guinée Bissau. Ils ont dressé un bilan satisfaisant de la mission de la Minurca en Centrafrique, dont la création avait été envisagée lors du précédent Sommet à Ouagadougou. Les discussions ont porté sur la crise comorienne et les efforts de l’Oua pour organiser une Conférence inter-îles, ainsi que sur les initiatives du président nigérian Abubakar pour engager son pays sur la voie de la démocratie. Le conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée a été évoqué pour insister sur la recherche d’une solution pacifique, et tout le monde espérait une rencontre directe entre l’Ethiopien Zenawi et l’Erythréen Afeworki, qui finalement n’a pas eu lieu.
Le secrétaire général Kofi Annan a cependant, en marge du Sommet, rencontré séparément les deux protagonistes. Enfin, le dossier de l’épidémie du sida a donné l’occasion aux chefs d’Etat d’exprimer leur soutien au projet présenté par Jacques Chirac de création d’un Fonds de solidarité thérapeutique international (Fsti).
Laurent Désiré Kabila sous les projecteurs
Avec Laurent Désiré Kabila sous les projecteurs, mais surtout la présence de tous les chefs d’Etat impliqués et directement concernés par ce conflit, le dossier des Grands lacs a sans conteste été le sujet dominant de ce 20è Sommet, bouleversant l’ordre du jour, donnant lieu à des réunions extraordinaires à huis clos, à l’occasion desquelles se sont déroulées des discussions franches, directes et passionnées: des débats qui ont fait forte impression sur plusieurs chefs d’Etat anglophones. A la suite d’un grand nombre de Sommets et de réunions interafricaines improductives sur le sujet, une forte détermination s’est dégagée pour finaliser un texte d’accord de paix prévoyant un cessez-le-feu, un retrait garanti des troupes étrangères invitées et non invitées et un schéma de démocratisation interne en RDC. A l’issue de ce processus, une Conférence pour la Paix dans la région des Grands lacs sous l’égide des Nations unies et de l’Oua pourra se tenir pour organiser la consolidation de la paix. Malgré le forcing et les entretiens à l’Elysée entre Jacques Chirac et Thabo Mbeki, Robert Mugabe, Yoweri Museveni et Laurent Désiré Kabila à l’issue du Sommet, l’accord n’a pu être finalisé, mais la Conférence s’est achevée sur la promesse d’un arrêt des combats et la signature rapide de l’accord à l’occasion d’un prochain rendez-vous en Afrique, en particulier celui prévu en décembre à Lusaka en Zambie.
21e sommet, en 2001 à Yaoundé
Le thème des défis économiques a été présenté par le président gabonais Omar Bongo et par le roi du Maroc Mohamed VI. Omar Bongo a notamment proposé la création en Afrique de banques régionales pour la reconstruction. Au cours du débat, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a mis en avant l’urgence d’une mobilisation euro-africaine en faveur du développement des infrastructures. Les problèmes de la paix et de la sécurité ont été présentés par le ministre togolais de la Défense au nom du président Eyadema, obligé de quitter Yaoundé plus tôt que prévu.
Intervention du Président Alpha Oumar Konaré
Le président malien, Alpha Konaré, président en exercice de la Cedeao, est intervenu pour présenter les avancées de cette organisation dans le domaine de la sécurité et les projets de la nouvelle Union africaine en la matière. La question de l’environnement a été introduite par le Kényan Arap Moi, et celle de la Démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance par le vice-président sud-africain Jacob Zuma. Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a effectué une intervention remarquée sur l’action de l’Afrique face à la mondialisation, claire et sans complaisance, concluant par une série de propositions concrètes sur la dette, la santé et les médicaments ou la dimension Nord-Sud des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (Omc). En réponse, le président français, Jacques Chirac, a insisté sur les actions déjà réalisées par la France; il a également annoncé une série de mesures pour accélérer le processus des allégements de dette pour les pays pauvres très endettés (Ppte). Ces mesures portent sur une extension du dispositif aux créances commerciales éligibles au Club de Paris qui concernent 29 pays, dont la plupart sont africains.
L’assassinat du président congolais Laurent Désiré Kabila
Annoncé à Yaoundé juste avant l’ouverture officielle du Sommet, l’assassinat du président congolais Laurent Désiré Kabila a provoqué plusieurs défections de dernière minute et fait régner sur les débats et les nombreux entretiens bilatéraux une lourde tension. Mais à l’exception d’un vif débat entre le ministre des Affaires étrangères de RDC et le Premier ministre rwandais, et l’intervention de Jacques Chirac en faveur des sanctions contre les occupants étrangers, débat intervenu à la fin des travaux du Sommet, aucune avancée significative sur le dossier des Grands lacs n’a eu lieu. Même si le Président Eyadéma, président en exercice de l’Oua, a tenu à aborder le sujet lors d’une réunion organisée par lui en marge du Sommet avec les représentants des 17 pays du Mécanisme de l’Oua sur la prévention et la réalisation des conflits. Enfin, en plus de la première rencontre directe entre Jacques Chirac et Laurent Gbagbo depuis l’élection de ce dernier, toujours en marge du Sommet, une rencontre des pays du Conseil de l’Entente s’est tenue à la suite de la tentative de déstabilisation en Côte d’Ivoire début janvier, pour améliorer les relations en matière de sécurité entre Abidjan et ses deux voisins, burkinabé et maliens.
22e sommet, en 2003 à Paris
Officiellement consacré aux “nouveaux partenariats entre l’Afrique et la France”, le sommet auquel assiste le secrétaire général de l’Onu porte essentiellement sur la crise en Côte d’Ivoire. La présence du président zimbabwéen Robert Mugabe, accusé de graves atteintes aux droits de l’Homme, suscite protestations et manifestations.
Lors de la conférence de presse qu’il a animé à la fin de ce sommet, le président français, Jacques Chirac, laissait entendre que les principaux messages s’articulent autour de six points: le partenariat; la démocratie ; le traitement des crises ; l’approche globale (la France ne veut pas s’enfermer dans un tête-à-tête avec l’Afrique, qui a eu son utilité, mais qui est un peu d’un autre temps. Elle veut travailler avec les organisations régionales, en appui de leurs efforts, consciente que l’intégration régionale est une réalité qui seule pourra permettre de progresser à la fois vers la paix et vers le développement); le développement (le grand défi pour l’Afrique) et enfin le dernier point le dialogue. A ce niveau le président français précise: “Le dialogue, l’échange, le respect de l’autre, c’est à partir de ces bases qu’on peut construire un monde pacifique et donc un monde qui se développe et qui refuse les affrontements stériles”.
23e sommet, en 2005 à Bamako sous ATT
Pour la première fois, la totalité des 53 pays africains sont représentés dont 23 par leur chef d’Etat. Organisé par le président de la République du Mali, Amadou Toumani Touré, communément appelé ATT, le 23è sommet est centré sur la nécessité d’aider des millions de jeunes Africains à sortir de la pauvreté et sur la lutte contre l’immigration clandestine. En effet, c’est sous le thème “La jeunesse africaine: sa vitalité, sa créativité, ses aspirations” que le Mali, pays-hôte, a réuni les chefs d’Etat d’Afrique et de France lors de leur 23è conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, à Bamako, les 3 et 4 décembre 2005. Une conférence particulièrement utile en cette fin d’année 2005: le sommet du G8 et l’approfondissement du dialogue G8/Nepad, le sommet de New-York sur la réforme de l’Onu et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, le Sommet Mondial sur la Société de l’Information à Tunis en novembre, les réunions de l’Omc à Hong Kong en décembre confirment la place de l’Afrique au tout premier rang des priorités de la communauté internationale, avec des initiatives nouvelles, telles que les allègements de dette pour les pays les plus pauvres, ou les sources innovantes de financement du développement.
Contexte favorable pour les résolutions de conflit
En matière de résolution de conflit, le contexte de ce Sommet de Bamako est plutôt favorable, ce qu’illustrera, cette année, la participation de la Somalie. Pour la première fois, tous les Etats africains seront représentés. Nombre de conflits anciens se sont apaisés. Au Burundi, le processus de transition a connu une étape décisive avec l’élection présidentielle. En République Démocratique du Congo, au Sud-Soudan, au Libéria, au Sierra Leone, des processus de paix et de réconciliation se poursuivent. L’apparition de nouveaux conflits, au Darfour, mais aussi en Côte d’Ivoire, où les tensions récurrentes, montrent que cette éclaircie est fragile et exige un engagement résolu et de long terme des Africains, avec l’appui de la communauté internationale.
Enjeu de l’Afrique, la jeunesse est aussi son atout pour demain, si l’on sait être à son écoute et apporter des réponses à ses interrogations et à ses aspirations. Education, formation professionnelle, emploi, citoyenneté et gouvernance, nouvelles technologies, expressions artistiques, santé, circulation des personnes et des idées: l’exigence d’accès à ce qui fait le monde moderne d’aujourd’hui est légitime. La satisfaire ne peut que conduire le continent africain à davantage de sécurité, davantage de prospérité, dans l’intérêt de tous. Le Forum de la Jeunesse des 8 et 9 novembre a permis, un mois avant le sommet, de faire entendre la voix de ceux qui représentent sept Africains sur dix.
24e sommet, en 2007 à Cannes
Dernier sommet du Président Chirac, dominé par la guerre au Darfour (Soudan). Le président français enjoint les puissances occidentales de penser aux intérêts du continent, notamment au sein de l’Organisation mondiale du commerce. En effet, le thème général du Sommet de Cannes était “L’Afrique et l’équilibre du monde “. Ce thème devait permettre d’évoquer aussi bien la nécessité d’insérer davantage l’Afrique dans les enjeux planétaires que de mettre en valeur sa dynamique actuelle, ses réussites et ses projets d’avenir. Malgré les crises, ce continent est dans une trajectoire prometteuse de croissance qu’il faut amplifier. La France entend donner sa pleine mesure à son partenariat avec l’Afrique. Le thème central a été décliné en trois sous-thèmes, qui ont fait l’objet des débats selon une articulation en trois “corbeilles”. Corbeille n°1: Les matières premières en Afrique
Les débats ont porté sur les ressources naturelles, agricoles et minières (filière coton, minerais, pétrole..,) avec une double approche: comment l’Afrique s’implique et agit, comment répond-elle à l’exploitation de ses matières premières. Le fil conducteur était: produire, vendre et transformer en Afrique.
Corbeille n°2: Place et poids de l’Afrique dans le monde
Le poids de l’Afrique dans le monde fut discuté essentiellement sous deux angles: la place du continent dans les organisations internationales et son positionnement dans le dialogue sud-sud.
Corbeille n°3: l’Afrique et la société de l’information. Comment perçoit-on l’Afrique à l’extérieur? Quelle image les Africains souhaitent-ils donner d’eux-mêmes, que faire pour en terminer avec les traditionnels clichés? Quelles modalités pour l’expression des oppositions nationales?
Les recommandations de la conférence ministérielle de suivi (Bamako – 16 janvier 2007) et celles du “Forum Afrique Avenir” (La Villette – 12 février 2007) ont été soumises à l’examen des chefs d’Etat lors de la plénière à huis clos.
25e sommet, en 2010 à Nice
Le sommet Afrique-France du lundi 31 mai à Nice est le 25e du genre, mais le premier pour le Président Sarkozy. L’un des défis pour le chef de l’Etat consiste à faire oublier son discours de Dakar de 2007, au cours duquel il avait affirmé que “l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire”, et qui avait largement choqué sur le continent.
Pour marquer le changement avec les sommets précédents, exclusivement politiques et sans conséquences concrètes, l’accent a été mis à Nice sur le rôle des entreprises et des investissements dans le développement. Une rencontre que le président français a voulu pour la première fois ouverte au secteur privé et à la société civile, tout en veillant à la forte participation des chefs d’Etats et de gouvernements. Une manière d’imprimer sa marque après les années Chirac.
Laurence Parisot présidente du Medef d’alors, annonçait qu’à l’initiative du Medef et de l’ensemble des organisations patronales africaines, il y a eu la création d’une association des patronats d’Afrique et de France. Pour Patrick Lucas, Président du comité Afrique de Medef International, “avec cette association, nous serons en mesure de suivre l’avancée des différents projets et initiatives qui naissent avec ce sommet”.
Mais la Justice internationale s’est invitée à ce 25e sommet France-Afrique à Nice, dans le sud de la France. A cause d’elle, deux sièges de chefs d’État resteront vides: celui du président ougandais, Yoweri Museveni, et du Soudanais Omar el-Béchir. Pour le premier, rien de grave. Il est tout simplement retenu à Kampala puisqu’il est l’hôte de la première Conférence de révision du Statut de Rome, qui fixe les règles de fonctionnement de la Cour pénale internationale (31 mai au 11 juin). Quant à Omar el-Béchir, un mandat d’arrêt international, lancé depuis le 4 mars 2009 par la CPI, l’empêche de se déplacer de peur d’être remis à la justice internationale. Il est accusé d’avoir supervisé et couvert les crimes contre les populations du Darfour. C’est d’ailleurs le cas Omar el-Béchir, qui est en grande partie à l’origine du déplacement de ce sommet en France alors qu’il aurait dû se tenir en 2009 à Charm el-Cheikh en Egypte.
L’Egypte, qui entretient de fortes de relations avec le Soudan, avait annoncé qu’elle ne tiendrait pas compte du mandat qui court sur Omar el-Béchir, donc ne comptait pas l’extrader. Cette position est partagée par l’Union africaine. Le président soudanais ne s’est d’ailleurs pas privé de voyages officiels dans un grand nombre de pays africains et arabes afin de consolider sa position. Mais la France ne voulait pas participer à un sommet où le président soudanais serait présent en même temps que Nicolas Sarkozy.
C’est cependant une délégation de haut niveau qui représentera le Soudan avec le vice-président Ali Osman Mohamed Taha accompagné du conseiller spécial Ghazi Salah Eddin Attabani, en charge du dossier du Darfour et le général Mohamed Atta, le chef de la sécurité nationale.
26e sommet, en 2013 à l’Elysées
Le sommet de l’Elysée, convoqué par François Hollande, entend dépoussiérer les rituels diplomatiques de l’ensemble franco-africain et faire évoluer la politique africaine de la France. Cette nouvelle conférence, avec une quarantaine de délégations nationales attendues, marque sa différence par rapport à la tradition, en ne se désignant pas comme le 26e sommet franco-africain, mais en se définissant en fonction des débats que ses organisateurs veulent impulser: “Sommet pour la paix et sécurité en Afrique “.
Une conférence, donc, sur la prévention et la gestion des conflits sur le continent africain, comme il y en a déjà eu plusieurs dans le passé (sommets de 1978, 1983, 1994, 1998). A la seule différence près que l’ère de la France “gendarme de l’Afrique” est maintenant censée être révolue. Le président français le sait bien, car il n’a cessé d’affirmer que c’est désormais aux Africains “d’assurer la sécurité de leur continent “. Le paradoxe étant que, depuis le début de son mandat, la France en est, après le Mali, à sa deuxième intervention militaire sur le continent avec l’arrivée de soldats français en Centrafrique. A-t-elle était obligée par amour et amitié pour l’Afrique u par intérêt, notamment en investissant davantage l’Afrique de demain qui se dessine avec une forte présence de la Chine et de l’Inde ? Cela fait toujours débat.
Enfin Bamako, janvier 2017
Ce sommet, le 27è du genre se déroule les 13 et 14 janvier 2017. Pour la circonstance, le Comité d’organisation est à pied d’œuvre et tout est fin prêt non seulement pour accueillir l’événement, mais aussi et surtout pour en assurer la réussite et le «Mali gagne trois paris» (voir notre article “les enjeux d’un sommet” dans ce même numéro).
Réalisé par la Rédaction
Source: Aujourd’hui
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