Immigration: L’autre face de la médaille.
De plus en plus, l’immigration a atteint des proportions alarmantes. Ce n’est pas la multiplication des expulsions ni la diversification des stratégies de blocage qui viendront à bout d’un phénomène planétaire. Les migrants ne sont qu’Africains. Ils sont Asiatiques, Américains et Arabes. La multiplication des facteurs et les situations de misère chronique sont les causes profondes de cette immigration massive. Aujourd’hui, nous avons des migrants économiques, des migrants climatiques et ceux fuyant la guerre. Avec lucidité, il apparaîtra claire que la meilleure politique pour endiguer l’immigration n’est pas celle qui consiste à expulser en échange de programmes d’insertions ou d’accompagnements. Il semblerait bien que les décideurs ne sont pas prêts de tirer les leçons de l’échec de ces méthodes et politiques utilisées depuis fort longtemps. Nul ne mettra en cause le diagnostic sur les raisons de ces départs massifs mais c’est plutôt la gestion démagogique de la question de l’immigration qui pose problème.
L’Europe se donne bonne conscience en finançant des petits projets dit de réinsertion et en versant des fonds aux gouvernements des pays de départ des migrants pour éviter de voir l’impact de la voracité de sa politique économique dans ces pays. Les raisons du sous-développement du continent et le réchauffement climatique découlent en grande partie des politiques économiques imposées par l’Europe. C’est n’est plus l’image d’Eldorado véhiculé qui attire les migrants vers l’Europe, c’est plutôt l’espoir d’un mieux être emporté par la mauvaise gouvernance et la politique économique de l’Europe qui les attirent. La surexploitation des ressources et le poids de la dette en association avec l’ingérence dans la gestion interne des Etats à faible revenue ont essoré le continent jusqu’ à l’espoir.
Aujourd’hui, l’Afrique est un continent tenu en attache par les traités, conventions et relations bilatérales dont l’Europe est seule bénéficiaire. La portion incongrue est toujours réservé au continent car n’ayant jamais eu ni les moyens humains ni matériels de rehausser ses prétentions. Discours politiquement mis à part !
Ainsi, au fil des ans, l’exil est apparu comme la seule alternative sur un continent dépourvue de politique de développements et dont la gouvernance sombre dans le pillage au profit des élites et des privilégiés avec la complicité passive ou active de cette Europe qui fait des mains et des pieds pour se débarrasser des migrants. Aujourd’hui, le départ massif des jeunes Africains vers l’Europe est l’un des fruits du processus d’appauvrissement du continent engagé après la période coloniale.
L’autre face de la médaille de l’immigration est le choix de l’élite de reproduire le modèle social et économique de l’occident en Afrique. Par ce choix, elle a engagé le continent dans une aventure sans issue dont les conséquences plombent son essor. Les méthodes et les politiques importées se révèlent incapables de booster les économies. Le modèle social sur le chemin de la mutation est devenu un facteur de division. Aujourd’hui, dans des pays submergés de défis avec un tissu social en lambeau, l’élite se confine dans un rôle de sapeur-pompier dont les bouches d’incendies se trouvent en Europe. Pourtant, les hommes politiques répètent à souhait qu’à défaut d’avoir les moyens de sa politique, qu’il faut faire la politique de ses moyens. Le croient-ils ? La réalité du continent incline à répondre par la négative car depuis les premières heures des indépendances il est loisible de constater l’incapacité des hommes politiques à trouver un modèle politique et économique adapté au continent. Partout, ce sont des modèles prêt à porter qui sont de mise, malgré leur échec.
La responsabilité de l’immigration massive en cour aujourd’hui est certes une responsabilité partagée, mais elle incombe plus aux dirigeants Africains. Les multiples expulsions et la polémique qu’elles soulèvent ne sont que des faux fuyants pour masquer la triste réalité d’un contient que l’Europe exploite sans état d’âme et d’un continent qui rechigne à prendre son destin en main.
Pour juguler le drame humain qui se joue en mer méditerranéenne et faire économie des vols charters l’Europe doit puiser dans ses dernières ressources le courage politique de revoir son rapport au monde et à l’Afrique en particulier. Pour ce faire, elle doit commencer par se convaincre que chaque peuple est issu d’une culture en dehors de laquelle elle ne saurait évoluer et ensuite revoir les conditions de la dette et du libre échange. L’élite Africaine pour sa part, doit s’approprier la détermination qui nous a value l’indépendance pour chercher un modèle politico-économique adapté aux réalités du continent pour briser le cercle vicieux de la misère qui pousse nos jeunes sur les routes humiliantes de l’exil.
Bouba Sankaré
Source : LE FORUM
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