26 mars 1991 – 26 mars 2019 : le rêve tourne au cauchemar
Ce symbole de la victoire de tout un peuple contre la dictature, la date du 26 mars est en passe de définir le pire cauchemar des Maliens à cause des crises interminables et le rallongement des défis. Au moment où le peuple souffle sur les 28 bougies de cet évènement majeur l’occasion est bonne pour se pencher avec un esprit critique mais lucide sur les acquis et les manquements de notre démocratie. Après 28 ans, qu’avons-nous fait des idéaux qui ont sous-tendu l’insurrection populaire du mois de Mars 1991 ? Cette question plus qu’une invitation, est une interpellation de l’ensemble du peuple Malien au moment où le pays tente désespérément de tourner l’une des pages les plus sombres de son histoire. Le peuple du Mali a besoin aujourd’hui de mesurer le chemin parcouru mais avant tout, il faut lui rendre hommage pour sa résilience et son courage face à l’adversité. Faire le bilan de la démocratie au Mali est un exercice complexe à cause de la grande confusion qu’elle a engendré dans le pays depuis son avènement. Pour les acteurs du mouvement démocratique, la révolution du 26 mars 91 a atteint ses objectifs avec l’instauration du multipartisme intégral et la liberté d’expression. Cela expliquerait-il leur mutisme face aux autres défis qui assaillent le pays ? En tous les cas, de nombreux maliens sont d’avis contraire. Cette approche d’un évènement si grandiose est on ne plus réducteur et constitue une flagrante fuite en avant des acteurs du mouvement démocratique qui ont promis un Mali nouveau à la population. Et c’est à juste raison que la satisfaction des acteurs du mouvement démocratique est loin d’être partagé par la majorité des Maliens qui espérait plus de la démocratie qu’une prolifération de formations politiques sans vision nationale pour la plupart et une liberté d’expression dévastatrice. La soif de démocratie et de liberté d’expression était certes aux cœurs des revendications, mais pour autant, elle n’en était pas la seule préoccupation. Le peuple du Mali a affronté à main nue la dictature dans l’espoir de vivre dans un Etat de droit qui garantirait l’égalité des chances d’une part et la bonne gouvernance au sens le plus large du terme. Après 28 ans d’exercice démocratique, les avancées sur les questions de justice sociale et de bonne gouvernance sont à chercher à la loupe. Au contraire, le pays a connu un net recul dans bien de domaine dont l’effritement de l’autorité de l’Etat qui nous vaut la crise multiforme sans précédente. La corruption et le gaspillage des ressources publiques ont pris l’ascenseur. Aujourd’hui, une majorité des Maliens pense que la démocratie a apportée plus de problème qu’elle n’en a résolu. Les réalités du pays contrastent avec tous les discours politiques et les quelques réalisations attribuées à la démocratie dont la plupart ne profitent qu’à une classe de privilégiés. L’état de l’éducation nationale, de la santé, de la sécurité et de la justice sociale sont autant d’élément d’appréciation du progrès d’une nation. Après 28 ans de démocratie, ces différents domaines demeurent plus préoccupants voire inquiétants au regard de leur dégradation. Aujourd’hui, ce n’est pas la démocratie en tant que système de gouvernance avancée qui est en cause, mais plutôt ses animateurs qui résistent aux changements. Depuis l’avènement de la démocratie, les acteurs politiques consacrent le gros de leurs efforts à la conquête du pouvoir à grand renfort de promesses sans lendemain. La récurrence des anciennes pratiques et la constance de la division qui s’étend à toute la société civile du pays ont fini par avoir le dessus sur l’enthousiasme et l’espoir suscité par la révolution du 26 mars. Du rêve de l’avènement d’un Mali nouveau il ne reste qu’un mince filet d’espoir qui repose sur une prise de conscience générale qui tarde à venir. La timidité des fêtes commémoratives de la révolution constatée dans ces dernières années traduit –elle une déception partagée ? Il serait injuste de dire que la révolution n’a rien servi, cependant le constat dessine que les faiblesses et défaillances l’emportent sur les réalisations rentrant dans le cadre de la construction d’un Etat de droit. Les aspirations du peuple ont été tronquées contre des programmes d’urgence et les actions d’éclats.
Le 26 mars, cette date qui restera dans les annales comme celle de la victoire définitive d’un peuple sur la dictature représente aujourd’hui, l’ensemble des rêves et illusions perdues dans les méandres d’une lutte politico-politique autour du pouvoir.
L’échec ou la réussite de la révolution populaire symbolisée par la date du 26 mars est une question de sensibilité. Par contre il est urgent de mettre fin à l’entretien de l’illusion d’une démocratie modèle. Les défis sont certes nombreux, mais l’espoir existe. Il nous revient donc de nous atteler à la tâche. Nul besoin de chercher un bouc émissaire !
La rédaction
Source:La PLUME
Comments (0)