Libye. L’enfer sur terre pour les migrants
Repêchés in extremis en plein milieu de la Méditerranée par une équipe de sauvetage en mer, des migrants subsahariens racontent les violences qu’ils ont subies lors de leur séjour sur le sol libyen.
Kevin, 2 ans, apparaît au milieu de tous ces corps qui se débattent dans les eaux du sud de la Méditerranée. On le pousse dans les bras tendus d’un sauveteur. Il se peut que ce petit Camerounais soit le premier et le dernier passager de ce canot pneumatique à moitié dégonflé à s’en sortir sain et sauf.
“First for the bambino !” hurle Ahmad Al-Rousan, de l’équipe de sauvetage de Médecins sans frontières qui vient tout juste d’arriver en vedette. Il parle des gilets de sauvetage. Les sauveteurs veulent s’assurer que les dix-huit jeunes enfants présents à bord de l’embarcation ont chacun un gilet avant de commencer à transférer les gens vers le Bourbon Argos, le navire mère de MSF.
Cent quarante personnes sont entassées à bord de ce fragile radeau – dont trente-huit femmes, quinze d’entre elles enceintes. Comme il y a plus de poids d’un côté, le canot vacille. Certains passagers se font écraser. Toujours est-il que Kevin échappe à ce chaos. Encore coincée sur le bateau, sa mère, Natasha, 22 ans, se demande si c’est la fin pour elle et ses deux fils aînés.
Un voyage infernal à travers le Sahara
À tout juste un mètre de là, dans la vedette, Sébastian Stein, le responsable de l’équipe de MSF, a le même genre de craintes. “On ne pourra pas gérer la situation comme ça”, dit-il à ses collègues. En deux ans, l’équipe de MSF a secouru au moins 24 000 personnes dans les eaux du sud de la Méditerranée. Combien parviendra-t-elle à en sauver aujourd’hui ?
Aussi terrifiante soit-elle, la traversée de la Méditerranée n’est certainement pas l’expérience la plus dangereuse que vivent ces migrants. Pour parvenir jusqu’à la mer, tous ces migrants originaires d’Afrique de l’Ouest doivent effectuer un voyage infernal à travers le Sahara. Quand ils ne tombent pas de l’arrière du pick-up d’un passeur, ils se font enlever ou tabasser, ou bien ils meurent de soif.
Reste que la pire expérience, c’est probablement durant leur séjour en Libye.
Patrick Kingsley
Source: courrier international
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