Gouvernance au Mali :Lettre ouverte de Lanceni Balla KEITA à IBK, Président de la république
Kôrô Bourama, bonjour ! C’est ton jeune frère Lanceni Balla Keïta. Kôrô, l’actualité m’oblige à te donner mon point de vue sur les conditions de la signature de l’Accord d’Alger, quatre ans après sa signature. Je l’avais fait avant, pendant et après la signature dudit accord d’Alger, source de tous les maux actuels de notre pays.
Pour rappel les négociations d’Alger commencées en octobre 2014 et qui ont duré huit mois, n’ont été aucunement bien préparées par toi kôrô Bourama, ni par le Premier ministre Moussa Mara. Kôrô, comment à un si haut niveau de responsabilité, peut-on envoyer une délégation constituée de novices dans les questions de rébellion au nord, au moment où certains responsables maliens en savaient beaucoup sur la question et leurs solutions.
Parmi ces responsables, il y avait feu le Colonel Ousmane Coulibaly, l’Inspecteur général Mamadou Diagouraga, le Général Brahima Coulibaly et aussi d’autres cadres du ministère de l’administration. Ni le haut représentant du chef de l’Etat en la personne de Modibo Keïta, ni le ministre Hamadoun Konaté, ni l’actuelle ambassadrice du Mali en Allemagne n’avaient aucune expérience sur la question.
Disons également que, les directives données par toi kôrô Bourama à la dite délégation avaient l’air d’une capitulation totale sur le sujet. Les visiteurs nocturnes très nombreux qui t’ont fait savoir que la préservation de l’intégrité territoriale et de la forme républicaine et laïque de l’Etat étaient suffisantes comme gage du rétablissement de la situation normale. En effet, ces visiteurs étaient en mission de partage du Mali au compte de la France.
Alors que l’opposition républicaine t’avait proposé kôrô Bourama de tenir des concertations nationales sur le sujet avant d’aller à Alger, car pour l’opposition, ces pourparlers d’Alger allaient engager l’avenir du Mali et de la sous-région Ouest-africaine, toute entière.
Mais kôrô Bourama, tu n’avais rien voulu entendre et ce qui devrait arriver est arrivée finalement. Allahou Akbar !
Kôrô, si tu ne le savais pas l’accord taillé sur mesure pour la CMA afin de donner l’autonomie totale à la région de Kidal, épicentre des rebellions du Nord, a été soumis à l’appréciation des deux parties.
kôrô Bourama, nous savons que vous avez été démarchés nuitamment par les mêmes visiteurs pour valider le texte, en te faisant croire qu’il n’y a jamais d’accord parfait, tout en oubliant qu’il y a des accords non applicables tout de même. Kôrô Bourama, tu n’as pas assez insisté afin que les observations formulées par les forces vives de la nation soient intégrées au texte de l’Accord qui faisait 13 pages.
Cela n’a pas été non plus possible, parce que la France avait déjà plié le match, car ce sont les Français qui ont rédigé le texte en y mettant dans l’accord tous les germes de la dislocation du Mali.
D’autre part, kôrô Bourama, tu as demandé au ministre des Affaires étrangères de parapher le document de l’accord sur place, sans demander l’avis du peuple qui est le seul à détenir la légitimité.
Kôrô, je crois que tu n’avais pas non plus ni lu le texte, ni faire lire le texte afin de t’imprégner de son contenu. C’est là que le peuple malien et les autres présidents africains ont été étonnés qu’un tel document engageant l’avenir de 17 millions de Maliens et celui de toute la sous-région soit banalisé de la sorte ! Kôrô, voici donc pour rappel, la liste des éléments en cause dans l’accord.
1) L’Accord du 15 mai est reconnu fondamentalement insuffisant au regard des revendications du peuple de l’Azawad. En clair, ce que le Mali a signé le 15 mai 2015 n’engage que lui : les rebelles, eux, ne reconnaissent que les nouvelles clauses approuvées par l’Avenant du 20 juin 2015. Kôrô, cela veut dire que les rebelles choisissent ce qui les arrange tout simplement dans cet accord signé à la hâte.
2) L’Azawad est reconnu comme entité politique, juridique et territoriale. Cette disposition fait passer l’Azawad pour un mini-Etat fédéré ou, pour un territoire autonome. Ce n’est plus ce que le gouvernement a tenté de le faire croire, un simple terroir socioculturel comparable au Banimonotié, au Ganadougou, au Kharta, au Khasso ou encore au Kénédougou. Kôrô comment cela est il possible sous ton magistère ?
3) Le Mali est engagé à reconnaître et à réparer les crimes qu’il a commis depuis 1963 dans l’Azawad. Bien entendu, aucune réparation n’est due par les rebelles séparatistes et terroristes azawadiens qui ont allègrement pillé, violé et amputé les pauvres citoyens maliens du nord depuis 1963! Kôrô comment le pays peut-il partager en acceptant cette clause de culpabilité ?
4) La CMA est appelée à demeurer dans sa mission primordiale de défense et de lutte pour les aspirations du peuple de l’Azawad. En clair, la CMA est reconnue comme une armée légitime au service de l’Azawad dont on sait qu’elle aspire à l’indépendance ! Non ! Non ! Kôrô, je crois que le peuple malien n’acceptera pas cela !
5) Il est décidé de la création d’une assemblée régionale regroupant les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni dont les prérogatives relèvent des domaines spécifiques de l’Azawad : cette disposition regroupe tout le nord (deux tiers du Mali) pour le soumettre à l’autorité légale des groupes armés qui, du fait de leur supériorité militaire, ne manqueront pas de contrôler l’assemblée régionale prévue dans l’accord. Kôrô es-tu encore au Mali ou en France ? Comment peux-tu accepter cela ?
6) Le Mali a accepté de surseoir à l’organisation de toute élection jusqu’au retour des réfugiés et jusqu’à la mise en œuvre du nouveau découpage territorial. On comprend maintenant pourquoi les rebelles s’opposent à toute élection dans le nord. Kôrô donc y a-t-il finalement deux pays à savoir : le Mali du Sud et l’Azawad ?
7) Le Mali a accepté de prévoir et déterminer le quota qui sera affecté à l’Azawad pour les départements de souveraineté, les grands services de l’Etat, les représentations diplomatiques et les organisations internationales. Auras-tu noté que : les rebelles de l’Azawad ne se contentant pas de garder le nord sous leur coupe exclusive; ils auront aussi un quota d’ambassadeurs, de consuls et de ministres. Et pas n’importe quels ministres: il s’agit des ministres de souveraineté comme ceux de la Défense, de la Justice, des Affaires Etrangères ou de l’Administration Territoriale. Il ne faut donc plus exclure de voir un jour Algabass Ag Intalla nommé ministre de la Justice ou de la Défense du Mali! Walahi Kôrô tu seras le seul à accepter cela !
8) Les forces de défense et de sécurité à l’intérieur de l’Azawad seront composées à 80% de ressortissants de l’Azawad ainsi qu’au niveau des postes de commandement. Cette disposition consacre la mainmise militaire de la CMA sur tout le nord. Avec 80% des soldats et chefs militaires, quel gouverneur élu pourrait-il leur tenir tête ? Comment parler d’armée malienne quand le Mali ne détient que 20% des effectifs et des commandants militaires déployés au nord? Kôrô en acceptant cela, étais-tu vraiment lucide ?
9) Pendant la période intérimaire, il sera mis en place des unités spéciales mixtes comprenant 80% de ressortissants de l’Azawad. Cela signifie qu’en attendant la mise en place effective de l’armée hégémonique azawadienne, des unités militaires mixtes feront la loi au nord, composées de 80% de rebelles. Tu comprends donc maintenant pourquoi, malgré la propagande officielle, les patrouilles mixtes n’ont jamais pu fonctionner!
10) Les zones de défense et de sécurité seront sous le commandement d’un ressortissant de l’Azawad. C’est-à-dire que l’autorité militaire suprême du nord sera exercée par un officier issu des groupes armés rebelles! Kôrô et pourtant tu avais dit le 11 juillet 2013 que tu n’allais jamais trahir les FAMA lors de ton meeting à l’ACI-2000. Mais tu viens de le faire !
11) La CMA a défini elle-même la liste des combattants et a déterminé leur grade dans le cadre de leur intégration dans l’armée nationale reconstituée ». En clair, si la CMA veut ériger un berger touareg ou arabe au rang de général ou de colonel, elle n’aura qu’à le dire même sans insister. Kôrô, vraiment tu n’es pas seul dans ce combat, mais remue toi un peu!
12) Le fait de considérer la création et l’utilisation de milices comme un acte criminel cela autorise la CMA a engagé le Mali à livrer la guerre à tous les groupes d’autodéfense pro-Mali, en particulier le GATIA, le Ganda Koy et autres Ganda Izo. Cela revient à combattre ceux qui ont défendu le pays lorsque l’armée avait abandonné ces zones !
Kôrô sais-tu que Gao a chassé avec les mains nues les djihadistes ?
Jusque là Gao attend sa médaille de libération. Cela ne doit plus tarder, car n’oublie pas que Gao est notre ‘’Bourana’’ !
13) Le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) sera présidé par la MINUSMA et coprésidé par les deux parties (Mali et CMA). Par conséquent, la CMA et le Mali font jeu égal ! Kôrô es-tu le même que nous avons connu entre 1992 et 2000 ? Cette question est importante pour te comprendre.
14) L’affectation d’un fonds spécial pour l’Azawad sur le budget de l’Etat à hauteur de 40% sur une période de 20 ans en vue de résorber un retard de plus de 50 ans revient à prouver que le Mali a accepté sa culpabilité. Ainsi donc, l’Azawad (1. 293. 000 habitants, soit 9% de la population nationale) raflera 40% du budget national pendant 20 ans ! A ce train, nous autres du sud (17, 2 millions d’habitants) finirons bien par brouter de l’herbe ! La CMA a gagné, en définitive, le beurre, l’argent du beurre, la vache et la laitière! Et toi-même kôrô. Qui l’aurait cru sous ton magistère ?
15) L’exploitation des ressources minières et énergétiques de l’Azawad sera soumise à l’autorisation préalable de l’Assemblée inter-régionale, après avis de l’Assemblée régionale. Un quota de 20% de la production sera affecté à l’Azawad avec priorité à la région concernée. C’est-à-dire que : sans l’autorisation des rebelles, aucune ressource du nord ne peut être exploitée. Et s’ils donnent leur autorisation, le Mali devra reverser à la région concernée 20% des ressources exploitées. Alors, de quoi le budget national se nourrira-t-il ? Kôrô j’espère qu’il sera de même pour toutes les régions du Mali ?
En somme, les clauses de l’Accord sont si graves qu’on s’est gardé de les écrire noir sur blanc. On a plutôt tenté de les masquer en écrivant qu’elles seront « prises en compte dans le cadre de l’application ». Une manière de tenter une application en catimini. Or, lesdites clauses sont trop nombreuses et trop lourdes pour passer inaperçues. Elles donnent un alibi permanent à la CMA pour ne pas déposer les armes. Malheureusement, le Mali n’a pas assez de force pour la renégociation ! Kôrô as-tu donc vendu le pays des pères de l’indépendance à la France et à la CMA ?
Kôrô la CMA a refusé de signer l’accord d’Alger, au motif, qu’il faille au préalable le soumettre aux 40 000 âmes de cette zone. Comme on pouvait s’y attendre, cette population a dit ‘’niet’’. Elle a constaté, que leurs désiratas n’avaient pas été pris en compte. C’est pourquoi dans le texte subsidiaire élaboré après et favorisant la CMA, la démocratie dont le vote est l’élément fondamental a été supprimé dans les collectivités contrôlées par la CMA. Ha ! Kôrô est ce que le peuple malien tel que je le connais va-t-il accepter cela ?
Les organes élus dans cette zone ont déjà été remplacés par des rebelles désignés contrairement à l’article 98 de la constitution du 25 février 1990 qui consacre la gestion des collectivités. Kôrô, je t’informe que le peuple a compris maintenant ce qui a réellement changé dans ton comportement.
En effet, kôrô, tu étais dans un dilemme total. Fallait-il accepter les propositions de la France et défendre ses intérêts qui résident dans le partage du Mali en tant que français d’origine malienne et décoré Commandeur de la légion d’honneur en 2005 par le président Jacques Chirac, ou fallait-il défendre le Maliba de nos pères, crée suite à de hautes luttes contre la même France ? Kôrô ! Dia ! Dia ! L’homme est un inconnu connu et un connu inconnu selon le président Sékou TOURE.
Kôrô, tu as fait finalement le choix douloureux entre l’enfant adoptif (la France) et l’enfant légitime (le Mali).
Kôrô pendant ta dernière séance publique de campagne à l’ACI 2000, as-tu fait savoir aux maliens que tu étais français et qui en t’élisant, le peuple allait élire un français à la tête de l’Etat du Mali ?
C’est Kôrô Salif qui m’a chuchoté à l’oreille que notre grand frère est aussi un Français. C’est pourquoi toutes les incompréhensions entre toi Kôrô Bourama et le peuple malien résident dans ce choix douloureux. En réalité avant de devenir président de la république, lorsqu’on te voyait sortir des larmes pour le Mali, nous te considérions comme un responsable qui sent le Mali, qui respire le Mali ; qui vit le Mali, qui est prêt à se sacrifier pour le Mali, qui est prêt à mourir pour le peuple. Kôrô c’est d’ailleurs cette raison qui a fait que le peuple t’avait fait élire en 2002 avec 52,04% de suffrage exprimé.
N’eut été la volonté d’Alpha Oumar d’amener ATT coûte que coûte, kôrô tu aurais été dès 2002 le président de la république du Mali.
Kôrô rappelle-toi que c’est le peuple malien qui a pris tes charges pendant tout le long de votre cycle scolaire ? Kôrô, tu as mangé aux frais du peuple les plats délicieux de macaroni, des plats de ‘’comme de terre’’, comme le disent les paysans, des plats copieux de poulets, du petit déjeuner royal à l’époque composé de café au lait, d’omelette et de pains français.
Kôrô tes habits étaient lavés et repassés aux frais du peuple. Tu as bénéficié de tenues scolaires très jolies.
Kôrô tous ces sacrifices du peuple semblent être sans importance maintenant que tu es au pouvoir. Kôrô le peuple est déçu de ta gouvernance à causes de tes attitudes pro-françaises. Le savez-vous ?
Kôrô tes analyses et tes discours donnent désormais de l’allergie au peuple actuellement, car ce peuple pense que tu ne vis pas dans le même pays que lui.
Kôrô, je viens d’appendre que tes parents Français ont perdu 13 hommes à Indelimane le lundi 25 Novembre 2019. Je présente à toi et à ton président Macron mes condoléances. La mort nous attend partout et à chaque moment. Que Dieu ait pitié de leurs âmes.
Kôrô Bourama, il faut savoir que ni kôrô Salif, ni moi-même nous ne sommes pas tes ennemis. Nous te conseillons tout simplement. Mais kôrô, si tu ne veux pas de nos conseils, alors tue nous dès aujourd’hui. Tu auras tué des ‘’dogo’’ tout simplement, mais la grande honte sera pour toi au Mandé.
Kôrô, pour terminer, je paraphrase le philosophe SENEQUE que tu connais bien : « Connais-toi toi même et devient qui tu es ».
Kôrô, il est temps de choisir entre ton mandat et le Mali éternel!
Lanceni Balla KEITA
Ancien Ministre
Ancien Député à Assemblée Nationale du Mali
Ancien Député au Parlement Panafricain
Militant de l’ADEMA-PASJ
Officier de l’Ordre national du Mali
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